Marseille, envoyée spéciale
À 29 ans, Jean-Claude C. comparaît pour « consultation habituelle de sites faisant l’apologie du terrorisme ». Il est l’un des premiers à être jugé pour ce nouveau délit, créé par la loi Urvoas du 3 juin 2016. Le tribunal correctionnel de Marseille lui reproche ses penchants pour les images de propagande de l’État islamique – appels au meurtre, vidéos d’exécutions par balles, d’égorgements, de décapitations, testaments de kamikazes.
À l’audience ce jeudi, le prévenu en polo, barbe longue et aux cheveux ras garde un visage impassible, sans sourire. Ses paupières tombent un peu. La DGSI le surveillait depuis un an, lui explique la présidente Paule Colombani, depuis que son père avait alerté les autorités, à l’été 2015, craignant qu’il n’essaie de partir en Syrie. Elle lui avait attribué une fiche S, puis l’avait fait interdire de sortie du territoire français, à partir du 30 juin 2016. Connaissait certaines de ses fréquentations – un couple également surveillé – et ses visites dans une mosquée considérée comme radicale. Les renseignements l’avaient à l’œil, mais n’avaient pas de quoi « l’accrocher » devant un tribunal. La loi Urvoas leur en a donné les moyens.
À la bibliothèque municipale de l’Alcazar, à Marseille, Jean-Claude C. avait deux cartes. L’une à son nom, l’autre donnée par une connaissance. Deux fois plus de temps pour aller surfer sur des sites jihadistes depuis la bibliothèque, une habitude repérée sans peine par l’administrateur réseau, qui constate plus d’une centaine de connexions. Lorsque la police vient le chercher au foyer où il habite le 9 août 2016, elle s’aperçoit qu’il a aussi téléchargé et visionné des images sur son téléphone portable, pendant plusieurs mois, avant et depuis l’entrée en vigueur de la loi Urvoas. Parmi les sites consultés, le tribunal cite « Al Hayat », organe de propagande de l’État islamique, et le forum « Ansar Al Haqq » (étrange, puisqu’il a été fermé début 2015), même si l’on peut imaginer que certaines images proviennent tout simplement de YouTube, Twitter ou d’autres plateformes « neutres ».
Dès le 8 juillet, juste après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, la DGSI avait signalé au parquet son comportement douteux
sur internet. Elle actionne ainsi un levier plutôt simple et efficace pour le traduire devant la justice sans avoir à démontrer une quelconque association de malfaiteurs terroriste. Il est en détention provisoire aux Baumettes depuis le 11 août, et ça en fait toujours un de moins à surveiller.
D’une voix monotone à l’accent marseillais, Jean-Claude C.