Le 1er mai dernier, Joe Biden, candidat démocrate désormais assuré d’être investi par son parti face au président sortant Donald Trump, a dû faire face à un exercice difficile pour un présidentiable états-unien. Dans Morning Joe, l’émission matinale de la chaîne de télé MSNBC, l’ex-vice-président de Barack Obama, sous le feu roulant des questions de la journaliste Mika Brzezinski, a nié avec véhémence et en bloc les accusations d’agression sexuelle, remontant à 1993, portées contre lui par Tara Reade, une ancienne collaboratrice parlementaire lorsqu’il était sénateur du Delaware. Cette prise de parole directe et personnelle était devenue impérative après une dizaine de jours durant lesquels les accusations avaient été confortées par quatre témoignages d’amis de Tara Reade auxquels elle se serait confiée à l’époque des faits présumés ou par la suite. Après qu’elle a évoqué une plainte auprès du Sénat en 1993, Joe Biden a demandé à l’institution de chercher dans ses archives pour la retrouver. L’intention ? Démontrer sa bonne foi et surtout clore la controverse. Car Tara Reade – même si elle a nuancé la portée de cette plainte – a rapidement fait l’objet d’une instrumentalisation intensive par le camp Trump sur les réseaux sociaux, Donald Jr., le fils aîné du Président, portant le premier le fer dans la plaie.
Cet épisode, qui reste inachevé – le Sénat a refusé de donner suite à la requête de Joe Biden car son règlement intérieur le lui interdit –, fait écho à une série d’événements beaucoup plus anciens qu’on ne le pense généralement. En 1884, au début de la convention démocrate, le candidat Grover Cleveland est accusé par un journal à sensation, le Buffalo Evening Telegraph, nourri par un de ses opposants locaux dans la ville dont il avait été le maire, d’avoir eu un enfant hors mariage et non reconnu avec une femme, Mary Halpin. Il l’aurait ensuite fait enfermer dans un asile d’aliénés pour s’en débarrasser. L’accusation est renforcée ultérieurement par la déclaration manuscrite de Mary Halpin, selon laquelle l’enfant est le résultat d’un viol commis par Grover Cleveland. En réponse, ce dernier reconnaît une simple aventure avec cette femme, que sa campagne s’échine pourtant à discréditer, dans une réplique politique qui deviendra monnaie courante. Malgré l’usage intensif par la presse républicaine de cette affaire, Grover Cleveland est élu président en novembre 1884 pour la première fois, avant une seconde élection en 1892.