L’installation des débats présidentiels aux États-Unis a été chaotique – aucun débat tenu entre 1960 et 1976, un seul en 1980 –, avant que ne soit instaurée en 1987 une Commission des débats présidentiels, qui organise depuis 1992 rituellement trois affrontements entre candidats pour la présidence et un entre leurs colistiers pour la vice-présidence, durant les cinq semaines précédant l’élection. Mais le débat présidentiel plonge ses racines dans une tradition profonde de la joute démocratique aux États-Unis, magnifiée par les sept débats publics qui ont opposé d’août à octobre 1858 le sénateur démocrate d’Illinois Stephen Douglas et son rival pour ce poste, un certain Abraham Lincoln, cofondateur du nouveau parti républicain. Ces disputes entre Douglas et Lincoln, chacun parlant une heure puis une heure et demie avant une « contradiction » d’une demi-heure, étaient longues et n’avaient guère de rapport avec les débats actuels formatés pour la télévision. Mais elles sont entrées dans l’histoire : deux ans avant le déchirement de la nation sur la question de l’esclavage lors de la guerre de Sécession, ces deux hommes furent capables de porter dans sept petites villes de l’Illinois deux projets politiques radicalement opposés et d’en discuter avec une civilité minimale – même si elle n’était pas exempte d’apostrophes rudes. Et, en partie grâce à la popularité acquise lors de ces débats, Lincoln fut élu président des États-Unis en novembre 1860 contre le même Douglas.
De ce point de vue, le premier débat présidentiel 2020 entre le président sortant Donald Trump et son rival démocrate Joe Biden représente une rupture historique dans cette tradition de consensus démocratique de base.