Le débat des candidats à la vice-présidence, qui s’est déroulé ce mercredi entre Kamala Harris et Mike Pence, est une tradition encore plus récente et discontinue que celui entre présidentiables. Le premier n’a eu lieu qu’en 1976, entre le républicain Bob Dole et le démocrate Walter Mondale (respectivement colistiers de Gerald Ford et Jimmy Carter), avant de reprendre sur une base pérenne en 1984 avec le duel entre le futur président George Bush Sr, engagé avec Ronald Reagan, et la première femme colistière sur le ticket d’un des deux grands partis, Geraldine Ferraro, alliée à Walter Mondale. Cette installation récente dans le paysage politique du débat des colistiers est la conséquence logique d’une affirmation de la fonction du vice-président. Longtemps simple utilité du pouvoir avant 1945, le vice-président n’était qu’un remplaçant éventuel pour le locataire de la Maison-Blanche, en cas de malheur, pouvant, si son âge le lui permettait, préparer une future campagne présidentielle. Son seul pouvoir était de présider les séances du Sénat et de départager les votes ex æquo de la chambre haute du Congrès.

Mais avec le développement des primaires dans la sélection du candidat présidentiel depuis 1952, son choix de vice-président est devenu un enjeu public, le colistier ou la colistière étant présenté à la nation lors de la convention estivale du parti et devant être une personnalité politique de premier plan. Cela a amené les présidents à associer beaucoup plus étroitement leurs colistiers élus avec eux à la gestion politique des États-Unis : Richard Nixon diplomate en chef de Dwight D. Eisenhower, Lyndon B. Johnson responsable de la conquête spatiale pour John F. Kennedy, ou encore Al Gore, monsieur environnement et nouvelles technologies de Bill Clinton.

À partir de Nixon en 1952, sur les douze vice-présidents qu’ont connus les États-Unis jusqu’à Joe Biden, seuls deux n’ont ainsi pas brigué la Maison-Blanche après leur vice-présidence, et quatre (Richard Nixon, Lyndon B. Johnson, Gerald Ford, George Bush Sr) sont devenus présidents. Il était donc logique de mettre en lumière par un débat ceux qui peuvent à tout moment être « à un battement de cœur de la Maison-Blanche » (« a heartbeat away from the presidency »), comme le dit l’expression consacrée là-bas.