Les petits nouveaux ont-ils apporté leur pierre, verte, à l’édifice ? Pendant près d’une semaine, les militants d’Extinction Rebellion, mouvement de désobéissance civile écolo, ont occupé la place du Châtelet, à Paris (lire l’épisode 5, « Rebelle semaine de RIO à Paris »). La Rébellion internationale d’octobre (RIO), synchronisée dans quelque soixante villes du monde, était leur grande première. Il y avait bien eu l’occupation du pont de Sully, en juin, qui a duré quelques heures à peine et s’est terminée dans les nuages de gaz lacrymogènes. Ou du pont Chaban, à Bordeaux, en août, pour empêcher un paquebot de croisière d’entrer dans le port. Mais un voilier bleu sur le pont au Change, des bottes de paille quai de la Mégisserie et des tentes devant le théâtre de la Ville, au nez et à la barbe du palais de justice et de la préfecture de police de Paris, voilà tout autre chose. Ce fait d’armes du mouvement, né en Angleterre il y a un an (lire l’interview du chercheur Graeme Hayes dans l’épisode précédent) et déclaré publiquement dans l’hexagone il y a à peine six mois, avait été programmé et annoncé sur les réseaux sociaux. Il était attendu et observé comme il se doit par les acteurs du mouvement écolo et les militants de tous poils.
XR a permis de franchir un seuil de visibilité en grappillant deux minutes au 20 heures. Ce mode d’action spectaculaire, c’est du pain bénit pour la télé.
De toute évidence, prendre d’assaut le cœur de la capitale à quelque 2 000 personnes munies de drapeaux colorés, s’y installer, s’y ravitailler, y tenir des assemblées à plusieurs centaines, a marqué les esprits verts. « Pour une organisation aussi jeune, c’est une réussite : partir de pas grand-chose et enchaîner deux actions aussi marquantes que l’occupation d’un centre commercial et la place du Châtelet, c’est une belle démonstration de force et d’inventivité », constate Manuel Cervera-Marzal, sociologue spécialiste des mouvements de désobéissance civile, interrogé par Les Jours. Baptisée « RIO GRANDE » et déclenchée un frais lundi ensoleillé selon un plan sans accroc que l’Agence tous risques n’aurait pas renié, l’action des XR français cherchait le regard du public et des caméras. Les clowns déambulant sur le pont au Change, les chorales et les batucadas circulant entre les points de blocage, les séances de méditation devant les camions de policiers, y sont pour quelque chose. L’aspect hétéroclite et festif de l’occupation a produit convivialité et images surprenantes.