
Jeff Parker, Forfolks (International Anthem/Nonesuch, 2021)
Comme Low, dans son grand Hey What, essayait de « jouer de la guitare sans la faire sonner de façon stupide » (lire l’épisode 116, « Zinée et Low, rattrapés de justesse »), l’Américain Jeff Parker ne joue QUE de la guitare sur son nouvel album, Forfolks, mais parvient à faire oublier ce point de départ réducteur. Car, disons-le tout de suite, qui a vraiment envie d’un pur disque de guitare aujourd’hui, loin de l’époque des John McLaughlin, Wes Montgomery, Van Halen et autre Joe Pass ? Pas moi en tout cas, mais il y a écrit Jeff Parker sur la pochette alors ce disque méritait une vraie écoute. Et une claque artistique sereine.
Grandi dans l’Est des États-Unis avant de partir faire carrière à Chicago au début des années 1990, Jeff Parker, 54 ans, a été de toutes les aventures musicales quand la ville est devenue l’endroit où la musique se réinventait pendant une grosse décennie qui a enjambé la bascule vers le XXIe siècle et essaime encore aujourd’hui chez un label comme International Anthem, qui héberge la musique de Jeff Parker comme celle de Jaimie Branch (lire l’épisode 19, « Jaimie Branch rebranche John Lurie »). La Windy City jouait alors au croisement des musiques, frottait son avant-garde jazz à un mouvement rock qui voulait en finir avec tout ce qui avait jusqu’alors constitué ses habitudes : les démonstrations à la guitare, le machisme, les chansons qui vont tout droit à l’énergie pure, la nostalgie en blouson noir. C’était le mouvement post-rock, période fascinante où Tortoise, quintet de Chicago dans lequel joue toujours Jeff Parker, était le patron de fait.
Mais ce serait réduire la carrière du guitariste à peu de choses que de l’enfermer dans Tortoise. Jeff Parker a aussi cofondé des groupes comme Isotope 217 et The Chicago Underground Duo (on y revient en face B) et participé à des dizaines d’enregistrements avec Scott Fields, Smog (alias Bill Callahan, lire l’épisode 4, « Bill Callahan et Mount Eerie, couples dans le vif »), Buck 65, Hamid Drake ou Meshell Ndegeocello. En plus de jouer en tournée avec le Brésilien Tom Zé, entre autres. Ce n’est plus un CV, c’est le résumé de tout ce qui s’est passé en musique à un moment autour de Jeff Parker. Il était donc temps de le retrouver enfin en solo, après un déjà très bon disque récent en groupe, le très soul et hip-hop Suite for Max Brown sorti en 2020.

Forfolks est tout autre autre et davantage un regard serein en arrière, vers les années post-rock de son auteur.