
Kham Meslien, Fantômes… Futurs (Heavenly Sweetness, 2022)
À vrai dire, on est rarement surpris quand on est journaliste musical. Je dois pouvoir compter sur les doigts de deux mains les fois où j’ai écrit quelque chose sur un disque totalement inconnu, pioché dans une pile de titres à écouter. La très grande majorité du temps, on fait le boulot avant et les bons disques sont attendus de pied ferme : on a déjà entendu un single, un premier album, vu l’artiste sur scène dans un festival ou quelque part en première partie. Ou le label à lui seul impose une écoute attentive. Ou c’est le disque du guitariste de tel groupe avec la chanteuse d’un autre, etc. Mais la surprise existe et c’est, chaque fois, un moment suspendu qui renouvelle la quête sans fin qui est le moteur de ce boulot. Merci, donc, au premier album de Kham Meslien, Fantômes… Futurs, d’avoir surgi de façon inattendue dans une session d’écoutes.
Bien sûr, ce grand disque ne vient pas non plus de nulle part pour le quinquagénaire, qui signe là son premier enregistrement en solo mais fut longtemps le bassiste du groupe angevin Lo’Jo. La formation articulée autour des voix de Denis Péan et des sœurs El Mourid, fondée en 1982 pour mélanger des sonorités venues aussi bien du folklore français que des traditions d’Afrique du Nord, d’Amérique du Sud, du reggae ou du jazz, opère depuis longtemps en sous-marin dans l’actualité de la musique, mais elle continue à remplir des salles partout dans le monde et ceux et celles qui ont croisé sa route savent que c’est une école de musique redoutable. Kham Meslien en est la preuve, lui qui a joué presque vingt ans avec Lo’Jo, de 1997 à 2016, d’abord de la basse électrique, puis de la contrebasse, après être tombé amoureux d’un instrument qui traînait dans un théâtre de Grenoble où le groupe était en résidence.

Il était alors un accompagnateur de talent, jamais au premier plan mais déjà captivant, glissant partout ses influences héritées de son père martiniquais, de sa mère venue d’Espagne ou de son adolescence rock et rap à Angers. Jusqu’à un festival de poésie en 2019, qui l’a convié avec sa contrebasse pour accompagner une lecture et, finalement, lui a demandé un solo. Soit le défi le plus monumental à la contrebasse, pilier sonore naturel dans un ensemble mais si difficile à faire sonner de façon suffisamment expressive en solitaire pour capter l’attention sur plus de trois morceaux.