Taylor Swift, Midnights (Republic Records)
Cette semaine, l’Américaine Taylor Swift est devenue, avec son nouvel album Midnights, la première artiste à occuper les dix premières places du Hot 100 du magazine Billboard, soit le classement tous genres et tous formats confondus (streaming, physique, diffusions radio) des chansons les plus écoutées aux États-Unis. Ni Drake ni Madonna n’avaient réussi cet exploit depuis soixante-quatre ans que ce Hot 100 existe, tandis que les Beatles n’avaient occupé « que » les cinq premières places pendant la semaine du 4 avril 1964 (où ils squattaient malgré tout 12 places sur 100). C’est un exploit qui fait les gros titres, mais Taylor Swift le doit autant à la qualité indéniable de son dixième album en à peine plus de quinze ans qu’à son art si personnel et encore affiné du marketing en ligne.
Pour Midnights, Taylor Swift, qui produit ses disques en plus de les écrire et de réaliser ses clips – elle contrôle donc tout son univers dans les plus petits détails –, a cumulé les stratégies. Elle a commencé par annoncer, en août dernier, la sortie de ce qu’elle a alors décrit comme « l’histoire de treize nuits sans sommeil éparpillées à travers [sa] vie », le nombre 13 étant son porte-bonheur et l’une des clés récurrentes des puzzles et jeux de pistes sur lesquels elle lance depuis toujours ses fans. Puis elle a publié une série de vidéos sur la plateforme à la mode, TikTok, où elle tirait des boules de bingo pour dévoiler l’un après l’autre les titres de ses treize chansons, finissant par le seul duo de ce disque avec la Californienne Lana Del Rey (lire l’épisode… 13, « Lana Del Rey et Dennis Wilson, California Dreamin’ »). À vrai dire, c’était presque décevant tant Taylor Swift a construit un monde codé avec ses admirateurs depuis ses débuts en héroïne country à la fin des années 2000, puis dans ses renaissances successives en figure pop, rock et folk capable de transcender les époques et les générations comme peu d’autres aujourd’hui. Tout avait ainsi commencé dans le livret de son premier album sans titre, où des majuscules dispersées dans les paroles donnaient des indications sur le sens des chansons.