Smokey Robinson, Gasms (TLR Music Group/ADA Worldwide, 2023)
Sur la pochette de son nouvel album, Smokey Robinson regarde l’auditeur comme s’il allait lui proposer d’aller boire un cocktail sans alcool dans un bar au sol qui colle dès 15 h 30, avec ses yeux vert d’eau et le teint cireux de ceux qui ont abusé soit de Photoshop, soit de la chirurgie anti-âge. Et il a le culot d’appeler cet album Gasms, pour orgasmes bien sûr, du haut de ses 83 ans qui se tapent encore sur la cuisse après une bonne blague. Sa femme et sa belle-fille l’ont convoqué pour une visioconférence en urgence quand elles ont appris son intention de parler ouvertement de plaisir charnel dans ce qui est son 25e album solo depuis le début des années 1970. Mais le soulman le plus en forme de tous les anciens n’écoute plus que lui-même depuis bien longtemps et c’est tant mieux, car au-delà de sa pochette qui ne lui fait pas honneur, Gasms est non seulement un bon album qui déroule un groove de salon toujours délicatement ajusté, mais aussi une rare collection de chansons sur l’amour, le sexe et l’envie dans la dernière ligne droite de la vie.
À vrai dire, la thématique est rare. Des chansons sur le sexe, il y en a beaucoup, de Sexual Healing à I Want Your Sex, mais chaque fois, c’est rideau après la trentaine. Après, on parle d’amour, de vieillir ensemble main dans la main, des éclats des vieilles tempêtes, mais pas de cul. C’est tout le courage dégoupillé du nouvel album de Smokey Robinson, qui vient rappeler que son âge n’est qu’un chiffre et qu’il se sent, au gré des interviews données récemment, 40 ou 50 ans. Dans un monde qui vieillit, où passer la barre des 80 ans devient absolument normal, il est temps que la musique commence à aborder le sujet et Smokey Robinson fait un parfait défricheur du genre. « Quand vous êtes jeune et que vous explorez les sentiments du sexe, vous n’avez pas vécu assez longtemps pour en connaître la valeur, disait-il récemment. Alors oui, j’ai une attitude différente à ce sujet, mais je me sens toujours sexuel. Et j’espère que je me sentirai toujours comme ça. OK, techniquement, j’ai 83 ans, mais ce n’est pas vraiment mon âge. »
Dans Gasms, Smokey Robinson déroule ainsi sa voix douce comme un drap de satin pour célébrer « tous les plaisirs », celui d’avoir envie comme celui de passer à l’action. Il parle de