
Bill Withers, Live at Carnegie Hall (Sussex, 1973)
Imaginez-vous débarquer un jour directement du boulot dans un studio d’enregistrement pour essayer quelques chansons, sans avoir rien gravé avant. En sortir un tube, puis un autre et un autre, puis terminer sur la scène du tutélaire Carnegie Hall de New York même pas trois ans après. C’est ce qui est arrivé au début de sa carrière à l’Américain Bill Withers, mort le 30 mars dernier : trois années parfaites, marquées par deux albums et un Live at Carnegie Hall qui reste un des très grands enregistrements soul en public.
À l’écoute de ce live de 1973 qui s’ouvre sur une folie, une version à rallonge de Use Me à l’instrumentation en même temps terriblement funky et profondément nostalgique

Quand il est arrivé dans le studio de Los Angeles du jeune label Sussex en mai 1971 pour ce qui allait devenir son premier album, Just As I Am, Bill Withers, 33 ans, était ouvrier dans une usine qui fabriquait des pièces pour l’aviation, où il avait terminé après neuf années passées comme mécanicien dans la Navy, faute d’un autre avenir. Ou alors pour éviter la vie de son père, qui était mineur de l’autre côté des États-Unis. Il a souvent raconté que c’est une soirée passée à regarder le soul man Lou Rawls sur scène qui l’a décidé à mettre enfin en musique les chansons qu’il avait dans la tête. Mais Bill Withers ne pensait pas les chanter, c’est Sussex, et en particulier Booker T. Jones, récemment passé à la production après une grande carrière en studio au sein des Mar-Keys puis de Booker T. & The MG’s, qui l’ont poussé devant le micro.
Évidemment, Bill Withers était fait pour ça, autant que pour composer des chansons remarquablement évocatrices, à l’image du terrible I Can’t Write Left-Handed, le texte de quelqu’un qui a vu la guerre et les armes, ou Grandma’s Hands, un poème presque enfantin sur sa grand-mère.