HHY & The Macumbas, Camouflage Vector : Edits from Live Actions 2017-2019 (Nyege Nyege Tapes, 2020)
Ce dimanche, c’est la Fête de la musique et il faut bien avouer que même les reprises gênantes d’Angèle par des groupes de lycéens nés la semaine précédente vont nous manquer (un peu), comme vont nous manquer les innombrables fanfares qui arpentent les rues ce jour-là en essayant d’entraîner derrière elles ceux et celles qui acceptent de se laisser porter. C’est le versant moderne de la musique populaire jouée dans la rue, qui habite toutes les cultures dans un retournement de l’histoire. Car la fanfare, cet assemblage de percussions et de cuivres principalement, fut pendant le premier millénaire de notre ère un outil de peur avant toute chose, une arme militaire chargée de signaler les mouvements de troupes tout en motivant les soldats. Les simples citoyens, eux, n’avaient pas le droit de battre la mesure ; seuls les chants religieux étaient autorisés.
Utiliser les armes de la fanfare n’est donc jamais anodin et c’est le cœur de la musique d’un groupe fascinant qui vient de sortir son meilleur enregistrement : HHY & The Macumbas, formé à Porto par Jonathan Uliel Saldanha, ex-gamin des banlieues pauvres devenu figure hyperactive de la renaissance artistique de sa ville dans les années 2000 au sein du collectif SOOPA. Dans Camouflage Vector : Edits from Live Actions 2017-2019, le groupe aux formes très mouvantes a rassemblé cinq pièces instrumentales (dont trois qui dépassent les huit minutes) enregistrées en tournée ou captées en direct en studio pour essayer d’attraper la furie qu’HHY & The Macumbas est capable de déclencher devant n’importe quel public.
Jonathan Uliel Saldanha explique avoir découvert la musique en se prenant de passion, à 15 ans, pour le tabla, une percussion centrale des musiques indiennes (lire l’épisode 39, « Cornershop et l’Asian Underground, chefs de file indienne »), quand les adolescents de son âge se voyaient guitaristes ou batteurs. La passion est restée, puis s’est mêlée au jazz le plus libre et au dub jamaïcain, cette musique qui se joue à la console de mixage à la recherche de basses capables d’emmener l’auditeur dans une transe apaisante. Puis la jungle s’est encore greffée par dessus, née en Grande-Bretagne en prolongement électronique direct du dub des soundsystems jamaïcains. Toute cette matière, HHY & The Macumbas l’entremêle aujourd’hui dans de longues pièces percussives emmenées par des appels de trompettes.
Dans ce dernier disque, sorti sur le label ougandais Nyege Nyege Tapes qui réoriente la production musicale électronique vers le sud du continent africain, HHY & The Macumbas a confié la production des deux pièces maîtresses qui ouvrent le disque à Adrian Sherwood.