
Burna Boy, Twice as Tall (Atlantic, 2020)
Damini Ebunoluwa Ogulu, alias Burna Boy, est l’artiste issu du continent africain le plus écouté dans le monde aujourd’hui. À 29 ans, le Nigérian est même l’un des plus écoutés dans l’histoire tout court, tant ses prédécesseurs (Miriam Makeba, King Sunny Adé, Angélique Kidjo, Youssou N’Dour, Magic System…) sont trop souvent restés coincés dans la bulle de la « world music », ne touchant que ponctuellement la sphère pop très grand public. Burna Boy est autre chose dans un autre monde de la musique. Le streaming est passé par là, les étiquettes imposées par les labels pour vendre leurs disques dans les magasins ont volé en éclat et la distribution de la musique est désormais mondiale. Depuis son premier album en 2013 et surtout depuis Outside, en 2018, Burna Boy a donc pris sa place dans la pop très actuelle aux côtés de Bruno Mars, Taylor Swift, Ed Sheeran ou Beyoncé
Ces dernières années, on a aussi croisé Burna Boy en featuring sur des chansons des Britanniques Sam Smith ou Stormzy (avec Ed Sheeran), tissant ainsi une nouvelle carte internationale de la nouvelle pop sans frontières avec les Sud-Coréens de BTS et son compatriote Wizkid. Une aura qui lui permet en retour d’inviter Timbaland, P. Diddy ou Naughty by Nature sur ses propres titres. Toutefois, au milieu de cet effacement des frontières musicales, Burna Boy sait tout à fait d’où il parle. S’il a par moments adapté ses morceaux à un public qui ne connaît pas la musique nigériane, sa musique reste une fusion de styles ouest-africains (afrobeat, afropop, hip-hop…) et conserve des racines très visibles dans ses rythmiques et son chant qui alterne le pidgin nigérian et le yoruba. Et cela fait un bien fou, à ce niveau d’audience internationale, d’entendre un tube qui dépasse l’anglais et déplace le centre de gravité de la pop.

Tout ça posé, je suivais la carrière de Burna Boy à distance, intéressé par son talent d’écriture mais pas toujours par ses productions facilement grandiloquentes, taillées au choix pour les stades ou les salons de coiffure. Jusqu’à Twice as Tall, cinquième album surprise qui a surgi mi-août, à peine plus d’un an après African Giant qui avait achevé d’installer Burna Boy parmi les grands noms du mainstream actuel.