
Kelly Lee Owens, Inner Song (Smalltown Supersound, 2020)
Ces dernières années, Kelly Lee Owens est partie en tournée avec Four Tet, formant avec le Londonien un duo électronique complémentaire qui dessinait des soirées s’échelonnant de la douceur ambient à la frappe techno bien lourde. C’est la Galloise qui s’occupait de ce dernier créneau, avec sa musique facilement sombre et ses beats taillés pour cogner à l’intérieur des crânes. Mais il y avait déjà quelque chose de frustré dans sa musique, que Kieran Hebden, alias Four Tet (lire l’épisode 11, « Four Tet et Charanjit Singh, douce transe »), a fini par repérer et l’a poussée à mettre en avant : sa voix. Cette petite voix pas très assurée était déjà là dans le premier album sans titre de Kelly Lee Owens paru en 2017 sur le toujours curieux label norvégien Smalltown Supersound. On l’entendait dans le beau Lucid par exemple, mais la productrice la cachait souvent bien profondément dans sa musique. Tout a changé aujourd’hui dans son remarquable deuxième album, Inner Song, où son chant se retrouve moteur d’une pop électronique très décidée.
Pourtant, ce disque, Kelly Lee Owens l’a comme repoussé le plus longtemps possible. Elle l’a gardé pour elle, laissé traîner encore avant que le Covid ne le retarde encore un peu. Elle a eu du mal non pas à le composer, puisqu’elle explique que les chansons sont venues assez rapidement et qu’elle a voulu les laisser vivre telles quelles sans les polir pendant des mois en studio… Ce qui était difficile avant tout, c’était d’accepter la nature très personnelle de ce disque, où chaque chanson est comme une page d’un journal intime à l’opposé de la nature retenue de Kelly Lee Owens, qui fut infirmière avant de se consacrer pleinement à la musique.

Dans Inner Song, dont le titre est emprunté à un disque de free jazz du bassiste Alan Silva, Kelly Lee Owens écrit donc sur sa grand-mère (Jeanette), décédée au moment de l’écriture, et dont elle a fait graver le prénom dans le sillon même de la version vinyle de son disque. Elle qui vit aujourd’hui à Londres écrit aussi sur son ciel gallois dans Corner Of My Sky, un texte qu’elle a fait chanter en gallois par John Cale, invité de luxe, sur la fierté de pouvoir parler et écrire cette langue qu’elle maîtrise mal mais qu’elle revendique. Ailleurs, c’est l’urgence climatique qui traverse