Oscar Jerome, Breathe Deep (Caroline International , 2020)
Alors qu’arrive la fin du mois de décembre, c’est chaque année la même chose. Je me retourne sur l’année écoulée en me disant qu’encore une fois, elle a été riche en bonne musique. Qu’au milieu du chaos sanitaire, social, politique (rayez les mentions inutiles selon votre mood et le pays depuis lequel vous lisez Les Jours), la musique se réinvente, regarde son passé et s’imagine un futur plus ou moins souriant. Mais c’est aussi à ce moment-là qu’arrivent les classements de fin d’année par dizaines. L’idée de dire si un disque est meilleur qu’un autre ne me motive jamais, mais y (re)découvrir des albums sur lesquels je suis passé trop vite ou que j’ai complètement ratés est toujours un bonheur. C’est comme un cadeau de Noël avant l’heure, un gros paquet de disques à attaquer d’un bloc.
Je suis par exemple complètement passé à côté du premier album du Britannique Oscar Jerome, Breathe Deep, bizarrement publié le 14 août, au beau milieu d’un été où on avait vraiment envie de déconnecter, qui ressort ces temps-ci remixé façon électronique. Mais ce disque vaut pour sa version originale et pour le contrepied qu’il prend par rapport à la musique actuelle. Le son de 2020 est rap, électronique et mutant, tordu par les possibilités infinies de l’informatique, voire carrément par celles de l’intelligence artificielle. Oscar Jerome, 27 ans, répond soul, funk et guitare jazz. Et il n’est pas isolé. Membre jusqu’à récemment du collectif londonien Kokoroko, il fait plus largement partie d’une génération qui a remis l’idée et le son du jazz (l’acoustique, l’improvisation) dans les oreilles des auditeurs et auditrices de moins de 40 ans. En Grande-Bretagne, il y a Shabaka Hutchings et ses innombrables projets (Shabaka and the Ancestors, The Comet is Coming ou Sons of Kemet, dont certains membres jouent sur Breathe Deep), Moses Boyd ou Ezra Collective. Outre-Atlantique, Jaimie Branch (lire l’épisode 19, « Jaimie Branch rebranche John Lurie »), Angel Bat Dawid ou le saxophoniste Kamasi Washington (lire l’épisode 51, « 1992-2020 : la même police, la même chanson »)… avec qui jouait Oscar Jerome lors de sa dernière tournée européenne (mais si, souvenez-vous, les concerts !).
Le natif de Norwich est donc à la jonction de beaucoup de choses en ce moment, d’autant plus parce que c’est lui qui a signé l’un des hymnes de ce jeune bouillonnement jazz, Abusey Junction, qui refermait le premier quatre-titres publié par Kokoroko en 2019, comme la compilation We Out Here, qui a projeté toute la scène britannique vers nos oreilles, publiée sur Brownswood Recordings, la maison de disques fondée par l’animateur radio et DJ Gilles Peterson.