
Chuck Johnson, The Cinder Grove (Tak :til, 2021)
Que reste-t-il après un incendie ? Beaucoup de regrets et d’incompréhension, mais aussi du vide et un espoir diffus que quelque chose pourra repousser sur cet espace ravagé. C’est en partie sur ces sensations contradictoires que repose The Cinder Grove
Chuck Johnson est arrivé dans la région de San Francisco alors que ses 40 ans approchaient et il a saisi ce moment comme une forme de recommencement musical. Ou plutôt, un nouveau recommencement, car ce musicien aussi volatile que discret avait déjà arpenté le post-rock instrumental avec Spatula, la guitare acoustique voyageuse avec Idyll Swords. Plus récemment, c’est une forme de country pastorale au ralenti qu’il explorait avec Marielle V. Jakobsons dans le duo Saariselka, dont le premier album de 2019, The Ground Our Sky, n’en finit pas de grandir. Ce disque-là prolongeait aussi une rupture instrumentale entamée dans Balsams, paru deux ans plus tôt, où Chuck Johnson était passé de la guitare acoustique à la guitare pedal steel comme une continuité naturelle de sa façon de jouer distendue, jamais frontale. Cette guitare, une variation de la six-cordes jouée à plat qui prend notamment ses origines à Hawaï, est aujourd’hui un instrument à part entière doté de pédales et capable de jouer des plages mélodiques ininterrompues, rêveuses et psychédéliques. C’était l’instrument parfait pour Chuck Johnson, qui est toujours plus contemplatif de sa propre musique en disciple de l’« écoute profonde » définie par la compositrice américaine Pauline Oliveros (1932-2016). Chuck Johnson a participé à plusieurs retraites en sa compagnie, qui consistaient notamment à apprendre à écouter les bruits de la vie, les réverbérations naturelles des rochers, les bruissements de la végétation ou les crissements des villes pour faire de la musique, à son tour, une matière palpable à entendre au-delà de la recherche rythmique ou mélodique.

The Cinder Grove découle directement et très naturellement de ce chemin.