Cheb, Sma’ Balak (Llabel, 2021)
La frontière s’est beaucoup brouillée, désormais, entre artistes autoproduits et musiciens signés sur un label qui finance leur musique et la pousse dans les médias comme sur les plateformes d’écoute en ligne. C’est une révolution au bénéfice de tout le monde et de la musique avant tout, car on peut voir apparaître régulièrement des musiciens complètement hors système qui touchent pourtant un public vaste et fidèle. C’est le cas du Marocain Nabil El Amraoui, alias Cheb, qui a publié il y a quelques semaines un troisième album remarquable, Sma’ Balak, mais existe surtout sur YouTube, où ses chansons enregistrées à la maison et ses clips au charme surréaliste très années 1990 ont accumulé des dizaines de millions de vues par le seul bouche à oreille. Natif d’Oulmès, dans la campagne du sud-est de Rabat, un temps étudiant en art dramatique, Cheb s’en amuse. Il fait tout tout seul, donne peu d’interviews et revendique son nom de scène tellement passe-partout qu’il l’efface presque intégralement des recherches sur internet. Car « cheb », en arabe, c’est « le jeune », mais aussi la longue liste des chanteurs qui ont utilisé ce préfixe dans les années 1970, 1980 et 1990 pour qualifier la nouveauté de leur musique lors de l’explosion du raï grand public en Algérie et à travers le Maghreb : Cheb Mami, Cheb Khaled, Cheb Nasro, Cheb Hasni (lire l’épisode 1, « Mohamed Lamouri continue Cheb Hasni »)…
Cheb se cache donc, ou plutôt ne joue pas le jeu du streaming et des réseaux sociaux où il faudrait être vu.