C. Tangana et Niño de Elche, trips espagnols

C. Tangana, El Madrileño (Sony Music España, 2021)

Merci Rosalía, de la part de tous les auditeurs et auditrices du troisième album de C. Tangana, El Madrileño. Car on ne doute pas que le succès international de la Catalane, rénovatrice du flamenco en compagnie notamment du jeune rappeur, a libéré ce dernier et permis sa bascule désinhibée vers une musique qui puise dans tous les viviers musicaux traditionnels de l’Espagne et du monde latino. On n’attendait pas C. Tangana à cet endroit en 2021 et c’est ce qui rend ce El Madrileño très intéressant.

Car, après tout, C. Tangana n’était jusqu’alors qu’un rappeur talentueux de plus. Le Madrilène Antón Álvarez Alfaro pour l’état civil, 30 ans depuis l’été dernier, est apparu dans le paysage musical espagnol au milieu des années 2000 avec des mixtapes enregistrées sous le pseudonyme de Crema avant de prendre son surnom actuel au sein du collectif Agorazein. Il jouait alors encore un rap inspiré par ses passions américaines – Mobb Deep, Kanye West – et noyé d’anglicismes caricaturaux, avant de commencer à affirmer peu à peu son âme espagnole dans sa musique. C’est notamment la chanson Antes de morirme, en 2016, qui fut un déclic pour lui. Enregistré avec sa compagne d’alors, la débutante Rosalía, le morceau n’était pas particulièrement surprenant, mais les quelques éléments de flamenco qu’il embarquait timidement ont soudainement ouvert des portes aux deux artistes, notamment quand la chanson s’est faite tube local en devenant la B.O. de la série policière Élite. Tout d’un coup, un son nouveau se dessinait pour eux deux, mais il était encore un peu tôt pour s’attaquer au monument qu’est le flamenco espagnol. Dans la foulée, les albums Ídolo (2017) puis Avida Dollars (2018) se sont donc contentés d’ancrer tranquillement C. Tangana dans la trap, cette branche du rap clinquante et métallique qui a mangé tout le son de notre époque. Mais c’est ce qui se passait derrière qui était intéressant.

Car, en plus d’enregistrer un morceau tendance reggaeton comme Mala mujer, C. Tangana a continué à travailler avec Rosalía et c’est très naturellement qu’il s’est retrouvé à coécrire plusieurs chansons de son album El mal querer (2018), grand disque de ce début de XXI^e siècle, éminemment important dans sa façon de revendiquer le flamenco avec beaucoup de sérieux et de respect tout en le faisant basculer fièrement dans le hip-hop et le R’nB. Succès artistique, carton commercial,