De l’île d’Hœdic (Morbihan)
En été, quand le soleil frappe durement les façades blanches des petites maisons granitiques, le bourg d’Hœdic se mure dans le silence. Pas un chat, un chien, ni un vacancier dans les rues. Seulement les gendarmes, venus à deux ou trois pour assurer l’ordre en journée entre le 10 juillet et le 20 août. Sans avoir grand-chose à faire. « Je veux une équipe comme la BAC, qui ne tourne que la nuit et fasse respecter les lois ! », tonne pourtant Jean-Luc Chiffoleau, le maire de la commune, le cheveu blanc taillé en brosse et la mine sérieuse.
À 75 ans, le maire sans étiquette sait qu’il ne peut pas demander à l’État « de mettre un poste de police à l’année » sur son île. Alors, dix mois sur douze, Hœdic se gère seule. Mais quand vient la période estivale, c’est plutôt le soir, à l’heure où les cafés ferment leurs portes, qu’il espère voir débarquer les hommes en bleu. Histoire d’enfin réguler les nuisances estivales du Gadu, cette fête autour du feu qui a pris une proportion démesurée ces dernières années.
Les seules choses qu’ils achètent, c’est de la Zubrowka à 8 euros et du Schweppes pour faire des mélanges.
Depuis le Covid, certains continentaux ont bien compris qu’Hœdic était ce « nid de liberté » (dixit Jean-Luc Chiffoleau) où presque tout semble possible. Les vacances venues, les navettes se sont mises à cracher, par grappes, des hordes de non-habitués. Qui ont pris d’assaut le Gadu, réservé jusqu’alors aux initiés (lire l’épisode précédent, « À Hœdic, les règles du feu »). Ils s’éclatent la tête le temps d’un soir, avant de repartir par le premier bateau. Sans même dépenser leur argent dans les cafés du bourg. « Les seules choses qu’ils achètent, c’est de la Zubrowka à 8 euros et du Schweppes pour faire des mélanges », enrage l’ancien gérant de la supérette.
Forcément, le lendemain matin, « j’ai tous les voisins devant ma porte pour se plaindre », souffle le maire. L’année passée, il a bien tenté de raccompagner, avec l’aide des gendarmes, des fêtards turbulents jusqu’au bateau. Ce n’est pas passé. « Ça a fait un scandale. J’ai été sermonné par les autorités, retrace-t-il, visiblement amer. Le préfet me disait que je n’avais pas le droit. Je pouvais les sortir du camping, mais en dehors, c’est la France. Ils sont libres de circuler. On est limités dans nos moyens d’action. »
En ce début de mois de juin, Jean-Luc Chiffoleau apparaît toutefois plutôt détendu. Le camping municipal de 192 emplacements n’affiche pas encore complet