«La dictature, c’est “ferme ta gueule”. La démocratie, c’est “cause toujours”. » Vous connaissez forcément cette citation du metteur en scène Jean-Louis Barrault. Le quinquennat d’Emmanuel Macron va-t-il nous contraindre à l’actualiser ainsi : « La dictature, c’est “ferme ta gueule”. La démocratie c’est “débats toujours, de toute façon, tout est biaisé” » ? Cette réflexion, nous nous la sommes faite en découvrant le site du grand débat national, un outil dit de « démocratie participative » destiné à recueillir l’opinion et les idées des Français sur quatre thèmes : la fiscalité, l’environnement, la citoyenneté et l’organisation de l’État. On y trouve des fiches pédagogiques pour mettre en œuvre des discussions sur le terrain et un espace pour faire remonter les contributions des internautes. Mais, alors que le gouvernement promet que tout sera fait pour « entendre la parole des Français », qu’un collège de garants indépendants a été nommé, chargé notamment de la « bonne tenue des débats », la plateforme oriente pas très finement les réponses dans un seul sens : les choix politiques du chef de l’État.
Vous trouvez qu’on exagère ? Allez sur le site et lisez la fiche rédigée par le gouvernement pour préparer le débat sur la fiscalité (thème considéré comme le plus important pour les Français, selon un sondage). Vous y trouverez une vision très partielle, et partiale, de l’économie. Par exemple, vous apprendrez que « le niveau du coût du travail », parce qu’il est « plus élevé en France que dans de nombreux autres pays développés », « pèse sur l’emploi et sur la compétitivité des entreprises ». Or, cette affirmation ne fait pas consensus chez les économistes. Certains estiment, au contraire, que le coût du travail n’est pas un indice pertinent pour comparer l’économie française à celle de ses voisins, et que son niveau élevé pèse surtout sur l’emploi des travailleurs au Smic, pas sur celui des salariés ayant un plus haut revenu. Mais il y a plus gênant : c’est la manière dont l’exécutif fixe « les enjeux du débat » : il n’ouvre pas sur une discussion générale sur les impôts, il demande à être « éclairé » pour, in fine, atteindre les « objectifs » que lui-même s’est fixés en début de mandat. À savoir :