Drôle d’époque que celle où il faut reconnaître ceci : sur le podium des stars des libertés publiques, la place du Défenseur des droits Jacques Toubon est brusquement menacée par une offensive conjointe de Laurent Fabius, Alain Juppé et Valéry Giscard d’Estaing. Car oui, ce jeudi, le Conseil constitutionnel, où siègent nos trois nouveaux amis, a censuré la mesure-phare de la loi anticasseurs adoptée le 12 mars dernier : l’interdiction individuelle de manifester prononcée par le préfet. Les autres articles, y compris celui créant un délit de dissimulation du visage en manifestation, ont été validés. La censure de l’article 3 représente toutefois un sérieux revers pour le gouvernement, pressé de pouvoir user de cette loi en plein mouvement des gilets jaunes. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par soixante députés et soixante sénateurs d’opposition, ainsi que par le président de la République lui-même, dans un geste rarissime.
Que prévoyait l’article de loi censuré ? Des interdictions individuelles de manifester, non plus prononcées par un juge mais par le préfet. Épaulé par les services de renseignement, celui-ci devait déterminer si la personne visée avait commis « un acte violent » lors de précédentes manifestations (indépendamment d’une condamnation judiciaire). Ou, à défaut, si « les agissements » de cette personne lors de manifestations violentes suffisaient à démontrer qu’elle « constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ».