La semaine a tourné vinaigre pour Émilie Chalas, députée La République en marche de l’Isère, ce département où Les Jours squattent le rond-point de Voreppe, tenu jour et nuit par des gilets jaunes (lire l’épisode 3, « “On est les sans-chaussettes, mais on est là, debout” »). Ce dimanche, elle publiait une tribune offensive dans Le Dauphiné libéré, pour dire son soutien, « plus que jamais », à Emmanuel Macron : « En dix-huit mois, nous avons accompli plus qu’aucune des précédentes majorités présidentielles, pour les plus vulnérables, pour relancer l’économie et pour l’environnement. (…) La réalité est qu’en 2018, les taxes diminuent et que le pouvoir d’achat augmente en France. » Quatre jours plus tard, une autre réalité l’a rattrapée. Sa réunion publique, prévue de longue date ce jeudi soir à Grenoble, a été annulée à la dernière minute, en raison de « menaces sérieuses ».
Le cran a lâché, l’impudence politicienne a mué en trouille épaisse, comme pour bon nombre de ses camarades parlementaires de la majorité. « Ça saisit et ça angoisse. Et ça paraît tellement surréaliste en même temps, c’est insidieux. Je ne vis pas la peur au ventre, mais je suis inquiète, donc prudente », précise aux Jours Émilie Chalas. Ancienne directrice générale des services de Moirans, une petite mairie de la région grenobloise, la quadra, étiquetée « société civile », s’est mise à marcher en janvier 2017, en réponse à « l’appel aux femmes » lancé par le candidat Macron. Le « déclic », raconte-t-elle : « Je me suis dit : “Pourquoi ne pas y aller, essayer, y croire ?” » Elle y a cru assez fort pour parvenir à sortir de sa circo, dès le premier tour, un mammouth du jeu local, Michel Destot, député PS depuis 1988 et maire de Grenoble de 1995 à 2014.
L’heure n’est plus à la fanfaronnade. Émilie Chalas a constaté ce lundi la « tension palpable » chez les députés, à l’Assemblée. Qui ne s’est pas apaisée lors des débats de ce mercredi, qui ont précédé le vote du « dispositif » proposé par le Premier ministre, Édouard Philippe, en réponse à la mobilisation des gilets jaunes, dont l’exécutif redoute tant le quatrième acte, ce samedi. À Grenoble, Emilie Chalas reconnaît n’avoir jusque-là « pas été sollicitée outre-mesure par les gilets jaunes ». Les appels ont pourtant fusé sur Facebook pour venir squatter sa réunion de jeudi, « bien dans le sujet » de celle qui vient d’être nommée rapporteure d’une mission « sur la démocratie locale et la participation citoyenne ».
Les « renseignements intérieurs » l’ont dissuadée d’insister, explique l’un de ses collaborateurs : « On avait déjà pris trois agents privés pour la sécurité, mais la salle fait 100 personnes, et vous imaginez, trois contre cent, si ça dégénère ? » La préfecture, elle, leur a fait comprendre que les CRS avaient d’autres lycéens à fouetter.