Quand Christophe de Margerie, l’ex-PDG moustachu de Total, est mort dans le crash de son avion, en octobre 2014, le conseil d’administration du groupe pétrolier avait le choix entre deux successeurs: Philippe Boisseau, le responsable du marketing, et Patrick Pouyanné, patron de la branche chimie-raffinage. Les deux hommes sont polytechniciens et ingénieurs des mines, sont passés par des cabinets ministériels de droite dans les années 1990, puis ont rejoint le groupe pétrolier avant de progresser parallèlement dans sa hiérarchie. Le premier ressemble à un patron lambda, costume gris et air sérieux ; le deuxième a un côté nounours, grand et enveloppé, et a toujours le sourire aux lèvres. C’est lui qui a été choisi.
Comme si Total avait pris la décision, après les désastreuses années de communication de l’ère Desmarest, de ne recruter que des patrons à l’allure bonhomme. Car Thierry Desmarest, pour les plus jeunes, c’est le PDG qui a construit le groupe actuel (grâce à son OPA réussie sur Elf, en 1999), mais qui a été incapable de montrer la moindre compassion, en décembre de la même année, lors du naufrage de l’Erika, un navire affrété par Total qui a causé l’une des plus grandes marées noires en France. En se réfugiant derrière un argument juridique – le groupe n’est pas responsable, puisque le bateau ne lui appartient pas –, Thierry Desmarest avait fait, et pour longtemps, de Total l’entreprise la plus impopulaire auprès des Français.

Après Big Moustache
, le surnom de Christophe de Margerie, voila donc Papou
(c’est ainsi qu’on appelle Pouyanné en interne) pour vendre le nouveau visage de Total ami du climat. Et l’intéressé joue très bien le jeu. Il dit je
plutôt que Total
pour personnaliser l’entreprise, se présente comme le super bad guy
des énergies fossiles pour mettre les rieurs de son côté, reconnaît qu’il fait partie du problème
du réchauffement climatique, mais avance tout de suite qu’il est convaincu de pouvoir apporter des solutions
. Quand Les Jours, en marge d’une conférence, l’interrogent sur l’origine de cet engagement
climatique, Pouyanné se met en avant, citant son expérience comme conseiller environnement à Matignon entre 1993 et 1995.
Notre engagement, ce n’est pas que de la com’, sinon, ça va s’effondrer.
Le patron de Total sait aussi ne pas en faire trop. S’il a repris à son compte une idée de Margerie et réuni autour de lui sept dirigeants de compagnies pétrolières (dont BP et Aramco), pour déclarer qu’il fallait un accord à la COP 21, il concède volontiers que