Marin-pêcheur durant dix ans, berger un temps sur les hauteurs de Menton, pensionnaire de la Légion étrangère durant les années 1980, Frédéric Renet a épousé le jihad sur le tard, après la soixantaine. Il n’explique pas vraiment cette étrange passion crépusculaire. « C’est n’importe quoi, ce que j’ai fait », a-t-il dit à la cour d’assises spéciale de Paris, qui le jugeait début janvier. Il a été arrêté en novembre 2017 à Menton avec six autres membres d’une cellule locale se réclamant de l’État islamique et qui discutait de projets d’attentats sur la messagerie cryptée Telegram, prisée des jihadistes (lire l’épisode précédent, « Abdel, community manager français de l’État islamique »). Il n’a jamais nié les preuves qui ont montré notamment qu’il avait envisagé, en mars 2017, avec ses amis numériques radicalisés, une opération très spéciale à Castellar, bourg de la montagne provençale situé à 1 400 mètres d’altitude. Les membres du groupe seraient arrivés armés et auraient forcé les quelque 1 000 habitants à se convertir à l’islam. « C’était une opération armée, mais sans attentat », s’est-il péniblement justifié devant la cour.
Avec cette cellule, il n’a pas fait que débattre de ce projet surréaliste. Il avait créé sa propre chaîne de propagande jihadiste sur Telegram, « Al Amdoulillah ». Triathlète et sportif accompli, il faisait figure de « coach » du groupe. Il pratiquait à l’occasion des saignées présentées comme un exorcisme contre les « sortilèges » des femmes. Un soir, dans une pizzeria avec ses amis, il s’est saisi d’un manche à balai et a partagé sa riche expérience du maniement des armes. « Je leur ai parlé de technique de tir, du fait qu’il fallait avoir un bon souffle pour être relâché au moment de tirer. » Frédéric a nié tout projet sanguinaire en France devant la cour, expliquant qu’il imaginait participer à la guerre en Syrie. « On était E.I. mais moi, je pensais à des interventions sur zone. […] J’ai compris que c’étaient des groupes qui envisageaient des attentats. Mais pour moi, leurs projets étaient irréalisables. » Le dossier constitué par des surveillances de la police permet quand même d’en douter : un autre membre du groupe projetait de pénétrer au hasard dans un immeuble et d’en tuer tous les habitants, ou de réitérer l’attaque au camion de la promenade des Anglais à Nice, qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016. Frédéric a reconnu avoir lui-même pensé à attaquer un convoi militaire.

Père divorcé de deux enfants, il encourait jusqu’à trente ans de réclusion criminelle pour « participation à une association de malfaiteurs terroriste criminelle ».