Le dénouement de cet épisode est connu. Si Éric Zemmour s’est fait des frayeurs jusqu’au dernier instant ou presque, il a finalement décroché 721 parrainages, synonyme de ticket pour concourir officiellement à la magistrature suprême. Ce que l’on connaît moins en revanche, c’est ce qui s’est passé en coulisses, au sein des cellules de « phoning » de Reconquête, le parti d’« Arthur », le nom de code du candidat. Les Jours ont navigué trois mois dans ces groupes Telegram privés (lire l’épisode 1, « “Les Jours” ont infiltré le parti d’Éric Zemmour »), peuplés de partisans répartis dans toute la France et dévoués corps et âme à la récolte des précieux sésames. Entre culte du chef, coups de sang et primes sonnantes et trébuchantes pour chaque parrainage obtenu, on n’a pas démérité.
Tout commence le 30 novembre dernier par un coup de téléphone tardif : « Bonsoir, c’est Les Amis d’Éric Zemmour ! Que diriez-vous d’intégrer une cellule de phoning pour récolter les parrainages nécessaires à la candidature ? » Dans la voix solennelle de mon interlocuteur, l’histoire est en marche. Trois heures plus tôt, son champion s’est enfin dévoilé dans une vidéo à l’odeur sépia. Entre trois flashes anxiogènes et deux images volées, Éric Zemmour l’a dit : il se lance dans la course à l’Élysée. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, ses amis m’embauchent dans la foulée pour lui damer la piste. Ma mission de « phoneur » ? Arracher par téléphone des rendez-vous auprès de maires afin d’envoyer des ambassadeurs y négocier les parrainages de visu.
Après une rapide formation au démarchage client, mes nouveaux chefs nous bombardent d’éléments de langage d’où transparaît un mot d’ordre : la démocratie. « Si les maires vous emmènent sur le terrain politique, en parlant du doigt d’honneur ou de sa position sur les femmes, il faut les ramener à la neutralité, martèle Julien, le référent de mon groupe. “On ne vous demande pas d’être d’accord, mais il faut de la pluralité. Ce n’est pas une adhésion aux idées, mais à l’idéal démocratique.” » Début février pourtant, lorsque le Conseil constitutionnel publie les premiers parrainages, certains s’éloignent assez vite de ce beau précepte quand il concerne d’autres candidats.