Maintenant qu’on se gèle et que l’appli Ecowatt, dite « la météo de l’électricité », menace de passer au rouge, va-t-elle enfin pouvoir appuyer sur le bouton ? C’est la vision qu’avait eue, le 14 septembre, Agnès Pannier-Runacher. Telle une réincarnation de Ma sorcière bien aimée, la ministre de la Transition énergétique avait très pédagogiquement expliqué qu’elle avait « la possibilité de commander l’extinction de tous les écrans publicitaires » dans les moments de tension énergétique signalée par le gestionnaire d’électricité RTE. Depuis une semaine, la vague de froid, l’hiver et Noël approchant, le gouvernement prépare les esprits à ladite tension, c’est-à-dire des risques de coupures électriques par tranche de deux heures qui pourraient toucher 60 % de la population. Évidemment, pour que la pub participe à l’effort collectif d’économies d’énergie, et en l’absence de super-pouvoirs ministériels, il faut en réalité que le téléphone d’Agnès Pannier-Runacher soit relié à celui des afficheurs qui doivent pouvoir, sur son ordre, éteindre à distance leur armée de panneaux publicitaires lumineux, affiches rétro-éclairées, écrans numériques faisant tourner en boucle des vidéos promotionnelles, dans les rues, gares, aéroports, stations de bus et vitrines des commerces hexagonaux. L’Union de la publicité extérieure (UPE) estime ainsi à 15 000 le nombre de panneaux d’ores et déjà pilotables à distance : ce sont les écrans numériques. Et à 100 000 le nombre de panneaux éclairés à équiper. « Ce qui est absurde et que nous avons pourtant expliqué à Agnès Pannier-Runacher, c’est que les écrans dans les commerces, que nous estimons à plus de 250 000, ne dépendent pas de nous et ne sont pas soumis à cette règle ! », explique Stéphane Dottelonde, président de l’UPE. La filière des afficheurs se prépare malgré tout à débourser 30 millions d’euros pour se mettre en conformité d’ici l’été. Le décret qui ordonne ce plan général d’extinction des feux donne en effet jusqu’au 1er juin 2023 pour être opérationnel. Ce qui semble assez lointain quand on parle de passer les mois de décembre et janvier sans black-out.