C’est un cas d’école. Mais un cas d’école de management de bras cassés. Comment en une seule journée, une journaliste a été accusée par sa direction, virée puis réintégrée. Vous serez moins étonnés, lecteurs de L’empire, quand vous saurez que c’est à CNews que ça se passe, la chaîne info de Canal+ reconstruite de bric et de broc sur les cendres de feu i-Télé.
Lundi, l’image a fait le tour des réseaux sociaux à la vitesse d’un Benalla au galop. Postée sur Twitter par l’essayiste Juan Branco, elle montre Emmanuel Macron en plein bain de foule au Touquet. Il fait beau, le Président, en tenue de tennis, prend la pose pour des selfies. À l’écran, sous le sigle CNews, le lieu, Le Touquet (Pas-de-Calais), et la date, 21 avril 2019. Souci : sur ces images, on aperçoit Alexandre Benalla, qui – ça ne vous aura pas échappé – depuis juillet 2018 et la révélation par Le Monde de ses activités à base de chatouillage de côtes de manifestants lors du 1er mai 2018, s’est fait discret dans ses fréquentations d’Emmanuel Macron.
Alors soit c’est un énorme scoop de CNews, soit c’est une grosse boulette de CNews. Et c’est l’énorme boulette qui l’emporte… Si Emmanuel Macron était bel et bien au Touquet ce week-end, les images montrant Benalla à ses côtés datent d’un séjour précédent, à Pâques aussi, mais le 31 mars 2018, quand il n’était qu’un anonyme barbu dans la sécu du président de la République.
Et cette boulette est exemplaire de ce qu’est devenue CNews et l’information à Canal+ sous l’ère Bolloré, où l’on ne cesse de ratiboiser les budgets. Voilà une journaliste pigiste, payée à la tâche, un dimanche dans une chaîne info, chargée du desk, c’est-à-dire de mettre un commentaire sur des images. On lui demande un sujet sur Macron au Touquet. Normalement, les images, c’est un « coordinateur média » qui s’en occupe, une personne responsable des images qui les collecte ainsi que les informations qui leur sont liées (date, lieu, source) pour les mettre à disposition du « deskeur ». Sauf que ce dimanche de Pâques, point de coordinateur média à CNews. C’est la journaliste qui va, elle-même, chercher les images dans ce logiciel auquel elle n’est pas formée, elle ne remarque pas que certaines sont des archives d’il y a un an. Elle récupère des vidéos, il faut aller vite, très vite, hop des images de Macron en plein bain de foule, hop deux badauds contents de voir le Président, emballé c’est pesé.

Enfin pesé, il faut que ce soit validé avant de passer à l’antenne, normalement par le rédacteur en chef du service reportage, mais le week-end, sur CNews, ce poste a disparu, les économies, encore.