C’est toujours étonnant à observer, une entreprise de démolition. Triste et fascinant à la fois. La wrecking ball s’abat et s’abat encore sur l’immeuble jusqu’à ce qu’il s’effondre sur lui-même. Voilà ce que vit i-Télé depuis des mois que Vincent Bolloré a mis la main sur Canal+ et le dernier coup porté ce vendredi devrait parachever le travail. Suite à la pathétique affaire de l’arrivée de Jean-Marc Morandini sur la chaîne info, la direction du groupe a en effet annoncé que les journalistes pourraient prétendre à la clause de conscience qui permet, en cas de désaccord avec la ligne éditoriale de son média, de partir avec les indemnités prévues en cas de licenciement. En clair : t’es pas content, tu prends ton chèque et tu te casses.
Rembobinons. En juin dernier, l’annonce de la venue de Jean-Marc Morandini sur i-Télé pour une émission quotidienne commence à sérieusement démanger la rédaction, pas exactement convaincue par les qualités professionnelles du bonhomme. En juillet, avec la révélation par Les Inrocks du hobby vidéaste de Morandini, les journalistes se grattent de plus en plus. En septembre, c’est l’urticaire géant qui guette avec la mise en examen de l’animateur pour « corruption de mineurs » et « corruption de mineurs aggravée » dans une autre affaire, mais l’annonce d’un renoncement par la direction apaise. Le 7 octobre, c’est l’inflammation générale : revirement, Jean-Marc Morandini viendra bel et bien sur i-Télé, dès le 19 octobre, pour animer, chaque jour à 18 heures, Morandini Live !, une émission consacrée aux médias. C’est signé Vincent Bolloré et il ne s’en cache même pas. Jeudi, au cours d’un comité de management, il a expliqué que c’était lui qui avait pris la décision. Et ce pour deux raisons : la présomption d’innocence et parce que Morandini et lui s’étaient tapé dans la main en juin dernier. Selon les témoins de cette impérissable sortie, Bolloré aurait même ajouté que lui respectait ses engagements.

Assemblée générale houleuse, communiqué de la Société des journalistes d’i-Télé et Canal+ dénonçant l’« inacceptable » arrivée de Morandini et, le mardi suivant, vote d’une motion de défiance à 92,2 % contre Serge Nedjar, directeur d’i-Télé, et Virginie Chomicki, sa numéro 2. Jeudi, rebondissement, la rédaction apprend que non seulement Morandini vient toujours, mais il arrive plus tôt, à savoir dès le lundi 17 octobre.