Il y a un saboteur au sein de l’empire Bolloré. On ne voit que ça comme explication à la chanson choisie ce mardi pour faire poireauter les actionnaires de Vivendi à l’Olympia, propriété de la maison, avant que démarre l’assemblée générale annuelle : « Solo dans l’bateau, je mets les voiles, mais solo je prends l’eau. » Oui, les paroles de Juliette Armanet sont une critique on ne peut plus limpide du pouvoir démesuré qu’exerce Vincent Bolloré sur Vivendi et sa filiale Canal+. Et cette critique est reprise en chœur par… le Medef. Si, si, juré. La preuve : Les Jours se sont procuré une lettre du Haut comité de gouvernement d’entreprise, une émanation du syndicat patronal en forme d’autorité morale, qui fait la leçon à Bolloré.
Haut comité de gouvernement d’entreprise donc : HCGE. En 2013, sous la pression du gouvernement et suite à de légers soucis de rémunérations astronomiques, le Medef, ainsi que l’Afep – Association française des entreprises privées – rédigent une nouvelle version du « Code de gouvernement des sociétés cotées », genre de mode d’emploi du patron et de ses bonnes pratiques. Est notamment créé ce fameux HCGE qui est chargé de faire appliquer ledit code et de gronder les contrevenants. Juste gronder, parce que le HCGE ne condamne pas les coupables à être pendus avec les tripes des commissaires aux comptes. Mais dans le petit milieu des sociétés cotées, recevoir une admonestation du HCGE, c’est la honte.
Vous intervenez plus comme dirigeant exécutif qu’en tant que président du conseil de surveillance.
Et en lisant le courrier dévoilé par Les Jours qu’a reçu Vincent Bolloré fin janvier, il a dû l’avoir saumâtre. Signée du président du HCGE Denis Ranque, ancien patron de Thalès et aujourd’hui président du conseil d’administration, la lettre souffle sérieusement dans les bronches de Bolloré. D’autant qu’elle fait suite à plusieurs missives de la même eau. « Il apparaît donc, écrit Denis Ranque à Vincent Bolloré, que vous intervenez plus comme dirigeant exécutif qu’en tant que président du conseil de surveillance, chargé selon la loi de le convoquer et d’en diriger les débats. Cette impression est renforcée par l’influence que vous donne votre position de premier actionnaire de la société. » Dans la langue feutrée de ces gens-là, c’est une taloche sur la nuque : ça fait pas super mal, mais c’est super humiliant. Et les taloches se multiplient tout au long du courrier de Denis Ranque où il rappelle à Vincent Bolloré ses manquements, et « autres déviations et manquements d’information » par rapport au code Afep-Medef.
C’est en tant que président du conseil de surveillance de Vivendi que Vincent Bolloré reçoit ce sévère rappel à l’ordre et c’est bien là tout le problème.