Comme autant de bris de verre, ils se sont dispersés, les anciens d’i-Télé. Et comme un film monté à l’envers, voici les morceaux qui se réassemblent pour former ce qu’entre eux, ils appellent « la chaîne humaine », cette i-Télé explosée il y a un an par Vincent Bolloré pour créer, sur ses ruines encore fumantes, CNews. La dernière fois qu’on les a vus tous ensemble, c’était le 16 novembre 2016 (lire l’épisode 43, « i-Télé, de grève lasse »), ils s’étreignaient, yeux rougis, cernés, leurs visages devenus hâves au bout d’un mois de grève qu’ils décidaient de stopper, contraints et forcés. Et les revoilà, réunis ce samedi 4 novembre, date symbolique, celle de l’anniversaire d’i-Télé, qui aurait eu 18 ans, dans un café où ils avaient leurs habitudes, qui s’enlacent de nouveau, juste heureux de se revoir. Aux Jours, c’est une règle : on n’abandonne pas les gens dans la nature une fois que le halo médiatique les a délaissés. Et ce samedi, ils sont là, ceux dont on égrenait les noms au fur et à mesure qu’ils annonçaient leur départ d’i-Télé tout au long de la grève, jusqu’à ce qu’ils soient trop nombreux pour les mentionner tous. Ils racontent cette année particulière.
Ils ont été 98 à quitter la chaîne. Des connus, des moins connus, des pas connus du tout. Des CDI, des CDD, des pigistes. Des visages de l’antenne, comme celui du présentateur et porte-parole du mouvement, Antoine Genton ; des visages découverts pendant la grève la bouche collée au mégaphone comme celui du reporter Milan Poyet ; des visages aperçus à chaque AG, à chaque rassemblement devant i-Télé, comme celui d’Elorri Manterola, rédactrice en chef adjointe. D’abord, il y a eu la décision de partir. Un crève-cœur parfois, une évidence, systématiquement. Souvenons-nous que, dans cette grève atypique, déclenchée par l’arrivée de Jean-Marc Morandini à l’antenne et menée par la Société des journalistes (SDJ), les revendications étaient éditoriales et déontologiques, les journalistes ne demandaient pas à partir, mais ç’a été la seule réponse tangible de la direction à leurs demandes : la porte.

Elorri Manterola se souvient parfaitement du moment de « la rupture », comme elle dit : « C’était quand Maxime Saada est venu nous parler. » Le lendemain du début de la grève, le 18 octobre 2016, Canal+ dépêche son numéro 2 (lire l’épisode 33, « Clairement, on nous fout dehors »), ainsi que le directeur des antennes Gérald-Brice Viret aux côtés du directeur et directeur de la rédaction Serge Nedjar et de son adjointe Virginie Chomicki.