C’est son scalp, son butin, son trophée rapporté du safari à Canal+, celui qu’il va accrocher au mur de son bureau en souvenir : sa tête de Guignol. Selon nos informations, Vincent Bolloré a demandé que la caboche de sa marionnette lui soit livrée. À écrire ces mots, on a nous-mêmes du mal à y croire, et pourtant. Vincent Bolloré a réclamé sa propre tête. On voudrait mettre cette anecdote dans une fiction qu’on nous la retoquerait : trop gros, trop chargé en symboles, trop tout. Mais Vincent Bolloré, le meilleur scénariste de L’empire, l’a fait. Déclenchant au passage un pataquès des plus rares puisque quand on a ouvert la boîte pour récupérer la tête de latex du saigneur et maître de Canal+, celle-ci était vide. Panique chez David Gauthier, le Bolloboy placé chez Les Guignols il y a deux ans pour réduire les coûts et tuer l’émission de l’intérieur, le voilà qui explose : accusations de vol, menaces de mise à pied… Pour que finalement, la tête soit retrouvée : elle avait été mal rangée.
Au moins, cette tête-là, on sait ce qu’elle va devenir. Mais les autres, toutes les autres marionnettes des Guignols ? Car dans l’équipe de bientôt feu l’émission, il y a des CDI, des intermittents, en tout environ 150 personnes, mais aussi celles qui ne sont concernées par aucun plan social et n’iront pas pointer à Pôle emploi – fut-il de latex : les marionnettes. Dans toutes les conversations que nous avons eues avec les équipes depuis l’annonce (lire l’épisode 96, « À tchao adieu »), plus, bien plus que l’arrêt d’une émission, il y a la question lancinante des marionnettes.
Mais qu’allons-nous faire de toutes ces belles marionnettes ?
Ce vendredi 1er juin, la question est tombée au bout d’une demi-heure, grave. L’équipe des Guignols a été convoquée à 12 h 30 par la direction de Canal+ au Studio Bonheur, du nom de la caféteria de la Canal Factory, à Boulogne, là où s’enregistre l’émission, là aussi d’où se déverse Cyril Hanouna en flots continus. Officiellement, il s’agit de faire le point sur la saison prochaine. Mais en vrai, le directeur des antennes du groupe, Gérald-Brice Viret, ton et costume de circonstance, est venu annoncer aux Guignols qu’ils sont morts. « Nous avons pris une décision qui est une mauvaise nouvelle : nous arrêtons Les Guignols, dit-il. C’est la dernière saison et je voulais vous le dire droit dans les yeux. »

En face, c’est la colère mais pas l’étonnement.