«Libérée, délivréééééééeeeeee… » Ça chante. Ça danse. Ça se tombe dans les bras. C’est la fête des Guignols. Mieux encore, c’est la dernière, la toute dernière fête des Guignols, celle qui aurait dû célébrer les trente ans que les marionnettes de Canal+ n’atteindront jamais. Celle qui marque la fin de l’émission dont l’arrêt, révélé par Les Jours, a été annoncé le 1er juin (lire l’épisode 96, « À tchao adieu »). L’ultime fiesta, forcément, nous n’allions pas la rater. D’autant que la dernière que nous avions vue avait un drôle de goût. C’était celle mise en scène dans un sketch jamais diffusé destiné à tester un nouveau studio (lire l’épisode 89, « Bolloré et “Les Guignols” : la vidéo qui tue »). Ce fameux sketch écrit à la demande de Vincent Bolloré en personne – et gentiment dévoilé par Les Jours – retraçait sa conquête de Canal+ au travers de son symbole le plus fort, Les Guignols : une fiesta avec toute sa panoplie canalienne – coke, pétards, champagne – brutalement interrompue, fini de rigoler, voilà Bolloré.
En vrai, une fête des Guignols, ce n’est pas tout à fait ça. Ça se passe jeudi soir porte des Lilas, à l’est de Paris, c’est un chapiteau planté là, au-dessus du périphérique, des caravanes rafistolées encerclent une guinguette, il y a des morceaux d’un antique manège, un éléphant, une soucoupe volante, des ballons, ça sent la frite et la bière. Ça s’appelle Le Cirque électrique, et en vrai, c’est ça qu’on a sous les yeux : un cirque électrique. Drôle de spectacle quand on débarque. Non pas le type qui crie des trucs incompréhensibles dans une espèce de cornet acoustique géant, mais toute la tribu des Guignols, excitée comme des puces, le front ceint de bandeaux rouges qui leur font comme un fez ou un air de kamikaze, c’est selon. On s’approche : les bandeaux sont ornés chacun d’une photo des Guignols, période grande époque : il y a Chirac et son célèbre « J’ai niqué Couille molle », un Ben Laden qui dit « Spice di counasse », il y a un Philippe Lucas, le musculeux ex-entraîneur de Laure Manaudou, agrémenté d’une bulle « Ouais ben c’est comme ça et pis c’est tout ! ». Toute ressemblance avec la situation sociale aux Guignols n’est évidemment pas fortuite.

La désormais ex-salariée qui, pour célébrer la fin de son joug, chante « Libérée, délivréééééééeeeeee… » se jette dans les bras d’une autre : « Non mais tu sais quoi ? », « Tu sais ce qu’il nous a fait ? », « Tu l’aurais vu… » Et d’un groupe à l’autre, ce sont les mêmes exclamations.