Avant de se retrouver sur les bancs du tribunal correctionnel de Paris, les quatre prévenus s’étaient croisés, sans se connaître, lors d’une Nuit debout débordante. Dans la nuit de samedi à dimanche, une manif sauvage draine 300 personnes du côté de chez Manuel Valls, qui habite le XIe arrondissement. Le commissariat du quartier est généreusement caillassé et quelques agences bancaires se font ravaler la façade. Place de la République, aux confins des IIIe, Xe et XIe arrondissements, des blocages de la circulation sur fond de tensions nocturnes avec la police se concluent par l’incendie d’une Autolib, vers 4 heures du matin, tandis que volent projectiles, lacrymos et cartouches de flashball.
La soirée en est là quand les policiers cueillent – séparément – quatre jeunes hommes alcoolisés, formellement identifiés
comme des lanceurs de bouteilles en verre. Un destin joueur a composé l’échantillon parfait. Un lycéen, un étudiant, un jeune travailleur et un SDF sont jugés ensemble ce mardi pour violences volontaires contre la police, en comparution immédiate après 48 heures de garde à vue. En émeute comme en amitié, c’est l’intention qui compte : aucun agent n’a été blessé par les objets lancés dans leur direction.
Deux membres de la « legal team » de la Nuit debout assistent à l’audience. Lundi, expliquent ces bénévoles soutenus par des avocats sympathisants, un réfugié tunisien a été condamné à huit mois de prison ferme (avec mandat de dépôt) pour dégradations aggravées
contre l’Autolib incendié, tandis qu’un jeune homme a écopé de trois mois avec sursis pour port d’armes
(des bâtons scotchés à ses bras). Un troisième, ainsi que le raconte 20 Minutes, a obtenu une annulation de procédure. La « legal team » cherche encore des informations sur le sort d’une autre personne passée en comparution immédiate lundi soir et ignore toujours ce qu’il est advenu des gardés à vue mineurs.
Défendus par Thierry Tonnelier, avocat commis d’office, nos quatre prévenus assument diversement les faits qui leur sont reprochés. Kaspar, blondinet à col roulé noir de 27 ans, est polonais. Depuis septembre, il fait son Érasmus à Paris-I, en master de philosophie. Joues roses et air réfléchi, il revendique sa condition d’opposant à la loi travail, pour exprimer [s]a solidarité avec le peuple français
.
Une demi-douzaine de ses camarades de La Sorbonne, engagés dans le mouvement contre la loi El Khomri depuis le début, sont venus le soutenir silencieusement.