Depuis quelques jours, Tammam Jaamour va très bien
. Ce réfugié syrien retrouve peu à peu la pêche. Lui, ses parents et trois de ses quatre frères sont pourtant bloqués en Grèce depuis le mois de mars. L’ennui, l’angoisse du lendemain, le sentiment de ne pas être un jeune comme les autres
… Tout cela le turlupinait. Tammam, 19 ans, semblait être entré dans une spirale infernale : comme son frère Wissam, 15 ans, il passait la nuit sur les réseaux sociaux, s’endormait au petit matin, n’avait quasiment plus d’activités en journée. Et puis il y a eu un clash entre lui, allié à Wissam, et leurs parents. À vivre les uns sur les autres, dans deux chambres étroites, sans de quoi s’occuper, tout le monde devient plus facilement irascible. Le comportement des deux grands, qui commençaient leur journée en début d’après-midi, agaçait les parents. Pendant deux jours, les deux fils Jaamour n’ont pas adressé la parole à Mahmoud et Souhayr. Et réciproquement. Tensions à tous les étages de l’hôtel King Jason où ils sont hébergés comme en prison
, selon l’avis de nombreux réfugiés.
Pour couronner le tout, Mahmoud a cassé son portable et est devenu injoignable. Deux jours qui ont paru long à tout le monde : à Mahmoud lui-même, privé de tout lien avec son fils Houmam, parti seul en Allemagne, mais aussi avec la famille et les amis restés en Syrie, à Souhayr, la mère, qui ne pouvait joindre son mari s’ils vaquaient chacun de leur côté à leurs occupations… Et à Tammam et à Wissam, qui n’ont pas pu envoyer de message de réconciliation à leur père.

48 heures après l’avarie, Mahmoud a acheté un nouveau smartphone. Du superflu ? Pas vraiment. Le smartphone est le kit de survie du réfugié : le fil qui rattache au passé, au pays, à l’actualité ; les ondes pour prendre rendez-vous avec les amis ; le seul moyen d’être contacté par les autorités. Sur le camp du Pirée, Wissam s’était fait voler le sien ; il avait d’abord emprunté celui de sa mère, de son père ou de Tammam. Les parents avaient fini par investir, pour leur fils, dans un appareil de seconde main. Puis ce fut au tour de Souhayr de devoir se faire remplacer le sien.
Cette fois, mon père a dû emprunter de l’argent à un ami pour s’en procurer un nouveau
, confie Tammam, un brin gêné. Car depuis quelque temps, les Jaamour n’ont plus un sou. Comme beaucoup de réfugiés qui n’auraient jamais imaginé être toujours en Grèce six mois après leur départ de Syrie.