Pour échapper à la chambre d’hôtel où cette famille de réfugiés syriens est confinée depuis des mois, les Jaamour ont décidé de passer quelques heures sur la place Syntagma, le temps d’un pique-nique. La « place de la Constitution », au cœur d’Athènes, est devenue un point de repère des réfugiés. Si tu cherches un Syrien, viens à Syntagma
, s’amuse Tammam en saluant un des jeunes de son âge avec lequel il s’est lié d’amitié en mars, sur le port du Pirée. L’été s’éternise à Athènes en ce 13 septembre. Certains papotent sur les pelouses. Des jeunes exhibent leur talents de breakdancers sur les marches qui mènent à la Vouli, le Parlement grec. Après avoir dégusté sandwichs au fromage, chips et cacahuètes, la discussion entre les Jaamour glisse, à l’heure du café, sur l’« orientation culturelle ». Pour eux, la procédure a lieu le lendemain. En parlant avec d’autres Syriens qui ont déjà été relocalisés en France, ils ont eu vent de ce qui allait se passer : présentation du pays, attribution de la ville dans laquelle ils vont arriver, etc. Malgré tout, une pointe d’angoisse est perceptible. Les yeux de Tammam paraissent plongés dans le vide : C’est le chaos dans ma tête aujourd’hui… Toutes ces étapes, sans arrêt. Et bientôt, la France. Je n’en sais rien…
Un silence. J’ai peur, en fait.
C’est un pays magnifique. Et puis, c’est le pays des parfums, de la beauté, de la mode…
À Athènes, il a rencontré de nouveaux amis, découvert une nouvelle vie. Le voici de nouveau sur le départ. Déracinés, ayant quitté une vie très confortable pour un quotidien d’infortune, trimballés depuis plus de six mois de service en service, du port du Pirée à différents hôtels, les Jaamour peinent à imaginer leur futur. Tous les jours, nous en parlons
, confie Tammam. Faisant fi de leurs propres inquiétudes, les parents, Mahmoud et Souhayr, essayent de motiver la troupe. Assis sur le banc, Mahmoud imagine la France : C’est un pays magnifique. Et puis, c’est le pays des parfums, de la beauté, de la mode…
Dans une autre vie, il a aussi été coiffeur et barbier. Ce pays correspond à peu près à nos champs de compétence. Ta mère y sera heureuse.
Assise à côté, Souhayr s’amuse : Dans le temple de la mode, je pourrai trouver un bon make up et du bon parfum ! Et je suis sûre que dans mon domaine, la coiffure, je vais pouvoir apprendre et enseigner.
Tammam retrouve peu à peu le sourire. Souhayr embraye : J’ai beaucoup d’espoirs pour l’avenir de mes enfants. Je pense qu’ils vont bien travailler, étudier et réussir.

Un autre sujet préoccupe le jeune homme : Depuis 2015, la France est la cible des terroristes. Bien sûr, nous avons connu pire. Mais j’espère qu’il n’y aura plus d’attaques, ça se retournera contre nous…
Comme s’il essayait de se rassurer, il explique à son père que la France est un des pays qui a le plus fort taux d’acceptation des musulmans
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