«Nous sommes en France. Je n’arrive pas à y croire ! » Il est un peu plus de 22 heures, ce mardi 20 septembre à Saint-Nazaire, et Wissam, assis sur son lit dans la chambre où il s’apprête à passer la nuit, n’en revient pas : Nous sommes dans un appartement !
Tammam, les yeux cernés, est venu papoter un peu avec son frangin. À côté, Eslam dort déjà. Tammam, l’aîné de la fratrie, embraye : Fini l’hôtel King Jason
, un hôtel d’Athènes où la famille était hébergée avant son départ. Pour les Jaamour qui ont fui la guerre en Syrie en février et que Les Jours suivent depuis plus de six mois, l’installation à Saint-Nazaire est l’ultime étape du parcours, le début d’une nouvelle vie. Les Jaamour font partie des 2 000 premiers arrivés sur les 30 000 réfugiés qui doivent être accueillis en France d’ici la fin 2017.
Un petit bâtiment blanc de quatre étages sera leur nid pour six mois, le temps que soit acceptée leur demande d’asile. Pour les « relocalisés », l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) s’est engagé à accélérer les délais d’obtention de l’asile. Aram est surexcité. Les bras chargés de bagages, tout le monde grimpe les marches. En ouvrant la porte, Tammam qui, à 19 ans, espère avoir sa chambre, repère vite le nombre de pièces dont dispose l’appartement. Un accord est trouvé : Eslam et Wissam se partageront une chambre, Tammam aura la sienne ; Aram dormira dans celle des parents. Dans la cuisine, quelques aliments ont été disposés. Les lits sont faits et des serviettes sont posées sur les étagères. La télé est en marche. Du balcon qui donne sur un espace vert, Eslam et Wissam s’exclament : Il y a un terrain de foot !
Le matin même, ils étaient encore à Athènes. Débarqués début mars sur l’île de Kastelorizo, en Grèce, ils sont arrivés avec l’espoir de se rendre en Allemagne rejoindre Houmam, leur fils qui avait pris la route de l’exil avant eux (lire l’épisode 8, « Houmam, le Jaamour solitaire »). Mais ils se sont retrouvés coincés dans la capitale hellénique quand les frontières se sont fermées, juste après leur arrivée, avec la signature de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie.

Assis sur le lit, Tammam et Wissam se remémorent ce qu’ils ont vécu. Tu te souviens le Pirée ? La tente ?
, demande l’aîné. Oh my God !
, lance en anglais son frère. Puis, ils passent en revue les semaines passées à l’hôtel City Plaza, squatté pour y héberger des réfugiés, et, enfin, les trois mois au King Jason. Le tout sans activité.