Une traînée de bonne humeur plane sur le terminal E1 ce 16 mars en fin d’après-midi. Quelques heures avant, vers midi, Angelina Jolie a passé une heure sur le port du Pirée avec les 5 000 migrants qui attendent ici un passage toujours plus hypothétique vers l’Europe de l’Ouest. L’ambassadrice du Haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU, le HCR, a discuté avec eux ainsi qu’avec les bénévoles. Puis la star est repartie. Destination Athènes où elle avait rendez-vous avec Alexis Tsipras, le Premier ministre grec. Sur le port, certains ont des étoiles pleins les yeux. Comme Bachar. Ce jeune Kurde de Syrie, arrivé au début du mois de mars en Grèce, exhibe à tout le monde son trésor : un selfie avec l’actrice. Des photographes m’ont même pris à ses côtés. Si ça se trouve, la photo va faire le tour du monde.
Tammam, lui, ne l’a vue que l’espace d’une seconde
. J’ai grimpé sur une poubelle pour l’apercevoir
, raconte le jeune Syrien. Tout en ajoutant qu’à cet instant ce qui le préoccupait, ce n’était pas Angelina Jolie. Au même moment, une bagarre a éclaté entre les Syriens et les Afghans.
Il y avait déjà eu quelques rixes, mais cette fois les combats prennent de l’ampleur. « C’est la jungle ici !, estime le jeune homme. Les gens deviennent des animaux. Ils veulent toujours passer avant les autres pour avoir à manger, pour avoir des vêtements… Et en plus, ils se battent ! »

En cette fin d’après-midi, à l’arrière du terminal « Epsilon Ena », le généreux sourire qui orne habituellement le visage de Negia Milian s’est estompé. La tension monte sur le camp et l’inquiète
. Elle essaye de comprendre. Les réfugiés sont épuisés en arrivant. Ici, ils ne peuvent pas reprendre de forces
, affirme-t-elle, en montrant du bras les alignements de tentes. Pour elle, le port n’est pas un endroit prévu pour héberger des gens ; leur fournir le nécessaire est difficile. Il n’y a même pas assez de commodités. Nous avons demandé des douches et des WC supplémentaires
. Ils tardent à arriver.
Negia a, elle aussi, été prise en photo au côté de la star. Quelqu’un est venu me chercher en me disant que des personnes importantes du HCR étaient là
, raconte-t-elle. Celle qui est devenue coordinatrice du lieu y est allée. Et a été un brin surprise
. Je ne savais même pas qu’ils devaient venir : je n’avais pas été prévenue.
Anecdotique, sans doute, mais révélateur, tant de l’urgence de la situation que d’un sens de l’organisation qui rime parfois avec improvisation.