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Les Turcs vont-ils choisir ce dimanche le suicide démocratique ? Ils sont appelés aux urnes, pour un référendum leur demandant s’ils souhaitent changer de Constitution. Procédure plébéienne s’il en est. Sauf que si le « oui » l’emporte, le président de la République récupérera tous les pouvoirs, à l’abri des contrôles, et dans une quasi totale impunité. Une sorte de dictature choisie par un peuple. Recep Tayyip Erdogan s’est déjà adjugé de facto la plupart des leviers du pays, mais une victoire du « oui » donnerait une légitimité populaire à son régime autoritaire.
Erdogan appelle son projet un « régime présidentiel à la turque ». D’ordinaire dans une démocratie, un régime présidentiel, parce qu’il concentre les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, réclame des moyens de contrôle très forts, un renforcement des fonctions du Parlement, et une justice très indépendante, pour contrebalancer, éviter toute dérive. En Turquie, c’est tout le contraire qui est proposé.
Dans les amendements constitutionnels soumis au référendum, le pouvoir exécutif « appartient au Président ». Plus de Premier ministre, plus de Conseil des ministres – sans que leurs suppressions soient énoncées : leurs noms ont simplement disparu et tous leurs pouvoirs ont été intégralement transférés au Président. Ce dernier dirigerait le pays avec des ministres et des « vice-présidents » qu’il serait libre de choisir et de démettre, sans demander de comptes à personne. Il gouvernerait par décrets présidentiels, qu’il n’aurait pas à faire ratifier et sur lesquels la Cour constitutionnelle n’aurait pas son mot à dire. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui pour les « décrets ayant force de loi », pris dans le cadre de l’état d’urgence, il n’y aurait plus de validation, même a posteriori, par la Grande assemblée nationale de Turquie.

À l’opposé de ces pouvoirs présidentiels très renforcés, la Grande assemblée nationale de Turquie voit ses prérogatives rognées dans le projet. Ses députés passent de 550 à 600 et peuvent être élus dès 18 ans (au lieu de 25), mais ils perdent tout pouvoir de contrôle. Plus de vote de confiance, plus de censure, plus le droit d’interpeller le gouvernement. Les députés pourraient seulement poser des questions « par écrit » aux ministres et aux vice-présidents, sans que le projet de Constitution précise si ces derniers seraient tenus de répondre.
La séparation des pouvoirs exécutif et législatif disparaît totalement, n’est plus qu’une illusion, dans ce projet de Constitution.