Istanbul, envoyé spécial
Depuis quelques jours, les rumeurs couraient dans Istanbul. Il va se passer quelque chose en fin de semaine, il va se passer quelque chose, il ne faut pas sortir. Certains précisaient même en milieu de semaine qu’il faudrait être particulièrement vigilant samedi matin. Hier soir, vendredi, une enseignante racontait qu’elle allait pouvoir faire la grasse matinée ce matin : ses élèves l’avaient prévenue qu‘ils ne viendraient pas en cours, ils avaient décidé collectivement de sécher compte tenu de ces rumeurs.
Voilà. Depuis ce samedi matin, des hélicoptères tournent dans le ciel d’Istanbul. Un attentat suicide dans le centre a causé la mort d’au moins quatre personnes et en a blessé une vingtaine d’autres, en fin de matinée. Le ou la terroriste s’est fait exploser sur l’avenue très peuplée d’Istiklal, ancienne rue principale d’Istanbul. Tout près de l’ambassade de France et du lycée français de Galatasaray. Les policiers turcs ont rapidement bouclé une très vaste zone. Des patrouilles contrôlent les voitures dans les rues alentour. Et Istanbul reste étrangement calme.
Aux terrasses, dans le métro, on pourrait croire que les habitants ignorent ce qui vient de se passer. Mais les regards s’accrochent aux écrans des smartphones, où tout le monde cherche des précisions avant que les réseaux sociaux ne soient coupés, comme après chaque évènement grave. Et ils ne manquent pas ces dernières semaines en Turquie. Escalade armée au Kurdistan, attentats, arrestations d’universitaires, de journalistes, d’avocats. Le climat est très lourd. Et l’accord signé vendredi avec l’Union européenne sur les migrants vient s’ajouter à cela, au sentiment d’abandon. Il laisse beaucoup d’amertume chez tous ceux qui se battent, en Turquie, contre la montée de la dictature.

En Turquie, le moral plonge de jour en jour. L’attentat à Ankara, dimanche dernier (35 morts, qui s’ajoutent aux 29 d’un autre attentat commis le 17 février), a nettement durci la situation. Il intervenait après des mois de couvre-feu et des centaines de morts civils au Kurdistan. Il a été revendiqué par les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), mouvement indépendant du PKK (Parti des travailleurs kurdes), mais ce dernier, sans revendiquer l’acte, ne l’a pas condamné. Son responsable a même balayé l’idée d’une reprise des négociations de paix, à laquelle appellent pourtant les universitaires et une partie du HDP, qui regroupe des partis de gauche et représentants de minorités, notamment kurdes.

Dimanche, une grande fête devait se tenir à Istanbul pour le nouvel an kurde, Newroz.