Il y a tout juste une semaine, en Turquie, des soldats s’apprêtaient à mener un coup d’État pour renverser leur président. Un putsch qui n’a duré que quelques heures, a échoué lamentablement, laissant 326 morts derrière lui. Il n’a servi, comme on pouvait le redouter dès samedi (lire l’épisode 23, « La nuit où la Turquie a vacillé »), qu’à renforcer l’hyper-pouvoir de Recep Tayyip Erdogan. Le Président a fait voter ce mercredi l’état d’urgence pour trois mois (renouvelables, comme en France), ce qui lui permettra de restreindre droits et libertés sans avoir à faire voter des lois. Le vice-Premier ministre, Numan Kurtulmus, a annoncé dès ce jeudi que la Turquie [allait] suspendre la Convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où cela ne contrevient pas à ses obligations internationales, tout comme la France l’a fait
. Des purges terrifiantes sont menées depuis le début de la semaine, avec déjà 50 000 à 60 000 personnes arrêtées ou limogées, dans tous les secteurs de la société. Dans les rues, la foule des adorateurs d’Erdogan semble désormais chez elle. Malgré l’état d’urgence, le Président les presse de descendre toutes les nuits dans l’espace public. Quelque chose est en train de basculer, en profondeur, dans le pays. Quinze ans après son arrivée au pouvoir, l’AKP est peut-être en train, grâce au putsch manqué, d’imposer ce qu’Erdogan appelle sa nouvelle Turquie
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Les fidèles d’Erdogan n’auront tremblé que quelques heures, le temps de réaliser que le coup d’État avait malgré la violence quelque chose de guignolesque, semblait improvisé, ce que l’on peut mieux comprendre une semaine plus tard. Le principal foyer se trouvait au quartier général de l’armée de l’air ; il a entraîné une partie de la gendarmerie. Il semble qu’une partie de ces putschistes étaient bien, comme le dénonce le Président, sympathisants de Gülen, confrérie qui forme des élites musulmanes un peu partout dans le monde et a longtemps fourni des militaires et des fonctionnaires de qualité à l’administration turque, jouissant alors d’une très bonne réputation. Pour autant, rien ne démontre l’implication de la confrérie ou Fethullah Gülen lui-même. Il a, comme tous les partis d’opposition turcs, fermement dénoncé le putsch, alors que ce dernier était encore en cours.
À ces sympathisants gülénistes se sont mêlés, selon le journaliste Metin Gürcan, du site d’information T24, des nationalistes ultra-laïcs très opposés à Erdogan et des officiers marginalisés ou en passe de l’être, dont les motivations étaient, semble-t-il, carriéristes.