Le duo français s’appelle Ødyssey avec un Ø à la danoise pour qu’on ne le confonde pas avec le trio américain Odyssey, qui a signé quelques succès disco soul de seconde division dans les années 1970 et 1980. Les deux membres d’Ødyssey se font appeler « Le Jour » et « La Nuit » et entretiennent un storytelling plein de mystère mystérieux qui sonne davantage comme un plan com écrit par des étudiants de l’Essec qu’à une nécessaire envie de se cacher derrière sa musique façon Daft Punk.
Il y a un peu moins d’un an, le groupe était en plein décollage avec son electro pop filtrée et indolore. Plusieurs labels se sont donc intéressés à eux et le premier sur les rangs était Believe, qui a commencé à étudier de plus près la progression des chiffres d’écoutes d’Ødyssey, notamment sur Spotify où le duo faisait fort. C’est là que quelque chose a cloché : ces chiffres étaient bizarres, remplis d’incohérences. Le public du groupe ne ressemblait pas à un public lambda. Alerté, Spotify France s’est à son tour penché sur ces données, avant de confirmer les doutes de Believe : le profil des écoutes correspondait bien à des achats de streams. Le duo français avait payé quelqu’un pour gonfler artificiellement la taille de son « public ».
Believe s’est alors retiré du jeu, mais pas Warner France, qui est entré dans la danse pour tenter de signer Ødyssey. Selon mes informations, la major était pourtant tout à fait au courant des soupçons pesant sur le groupe, mais elle a décidé de passer outre. Quant à Spotify, la plateforme a poussé les singles suivants d’Ødyssey dans ses playlists comme si de rien n’était. Comme si la triche n’était qu’une stratégie marketing parmi d’autres. Ni le groupe, ni la major, ni Spotify France n’ont répondu à mes sollicitations pour cette enquête. Il n’y a pas de morale à cette histoire, puisqu’Ødyssey a continué à bien marcher avec l’aide de Warner. Cette histoire de triche originelle a donc été vite oubliée, mais elle ressort régulièrement dans le petit milieu de la musique en France comme un parfait résumé des problèmes que les pratiques frauduleuses posent au streaming et au monde de la musique aujourd’hui.

On l’a vu précédemment (lire l’épisode 11, « Rap : le fraude trip »), les petits abus et les grandes fraudes que subissent aujourd’hui les Deezer et Spotify n’ont aujourd’hui pas d’impact majeur sur les classements des titres les plus visibles.