Savez-vous que, lorsque vous écoutez le dernier album de votre chanteur underground préféré sur Deezer, l’argent de votre abonnement va dans les poches de Jul et d’Ed Sheeran ? Si, si. C’est comme ça que fonctionne le streaming actuel. Ce n’était pas gênant jusqu’ici, mais ce mode de redistribution des revenus commence à peser sur la vie des musiques les moins visibles, allant jusqu’à menacer la diversité artistique pour certains.
Comme je l’ai raconté dans cette série d’articles, l’année 2017 a vu l’explosion de l’usage des plateformes de streaming, payantes comme gratuites, partout dans le monde ; et les premiers à y basculer ont très logiquement été les 12-25 ans, les plus à l’aise avec les smartphones comme avec l’idée de ne pas posséder les objets culturels qu’ils consomment. Or, il se trouve qu’en ce moment ces jeunes – comme les appellent ceux qui ne le sont plus vraiment – écoutent surtout du rap. À une autre époque, ç’aurait été le grunge de Nirvana ou la pop yéyé de France Gall (lire l’épisode 6, « Rappeurs, les nouveaux yéyés du stream »), mais c’est le rap de Kendrick Lamar, Lil Uzi Vert ou Damso que cette tranche d’âge consomme le plus en ce moment. De façon totalement boulimique même.
C’est très bien pour le rap, dont l’impact artistique et sociologique a longtemps été nié par son faible poids médiatique en France, mais cette ultradomination commence à révéler des effets négatifs sur l’ensemble de l’écosystème du streaming.