Vous avez entendu le bruit du bouchon de champagne qui saute, à peine étouffé par la torpeur neigeuse des rues de Stockholm ? Non ? Oui, bon, OK. Spotify garde probablement la grosse fête, la chenille jusqu’à la place Slussen au son de sa playlist Garde la pêche, pour son premier jour de cotation à la bourse de New York. Mais ça y est, le processus est définitivement enclenché depuis le dépôt, en ce dernier mercredi de février, de sa demande d’entrée en bourse sous le nom « SPOT ».
Mine de rien, c’est le moment le plus important pour l’économie de la musique depuis la vague de rachats et d’entrées en bourse des majors à la jonction des années 1990 et 2000, alors que l’ère bénie du CD déversait encore des tombereaux de bénéfices sur Universal, Sony et compagnie. L’ambiance a changé depuis : le vieux monde du disque s’est effondré et commence à peine à être remplacé, depuis deux timides années, par la révolution du streaming. Né en Suède en 2008, Spotify est aujourd’hui le patron de cette nouvelle ère qui propose aux auditeurs de payer non pas pour acheter de la musique, mais pour la louer. Les chansons deviennent ainsi un service comme un autre, livré en bonne partie par le biais de playlists prêtes à consommer tout au long de la journée.
Spotify, dont le siège est basé au Luxembourg – probablement parce que c’est très joli… – et les grandes décisions prises à New York, a choisi une entrée en bourse atypique, en n’ouvrant pas son capital à n’importe qui d’un seul coup. Une cotation directe a été préférée à une entrée classique ; elle permet aux actuels actionnaires de vendre leurs parts mais ne crée par de nouvelles actions. Voilà pour la tambouille boursière. Le document déposé par Spotify en est forcément bourré, accompagné de chiffres et de déclarations ultra-enthousiastes comme : « Notre mission est de révéler le potentiel de la créativité humaine en donnant à des millions d’artistes l’opportunité de vivre de leur art et à des milliards de fans la possibilité d’écouter et d’être inspirés par ces artistes. » C’est presque aussi beau qu’un discours de Jack Lang à la Fête de la musique.
Parmi ces chiffres, gardons-en tout de même quelques-uns : Spotify compte désormais 71 millions d’abonnés et 159 millions d’utilisateurs mensuels en moyenne. L’entreprise continue à perdre de l’argent (378 millions d’euros en 2017), mais ses revenus (4,09 milliards d’euros) progressent plus vite que ses pertes.