Appelons-la « Truc Records ». C’est une maison de disques indépendante française visible mais inconnue du grand public. Elle est installée depuis plus de quinze ans dans le paysage musical et défend des artistes, jeunes et moins jeunes, qui remplissent des salles de taille moyenne en France comme en Europe. La culture de Truc Records, c’est le rock indépendant gracieux mais teigneux, le volcan sous la douceur.
Vous l’avez compris, je ne peux pas donner son nom ici, car cette maison de disques a bien voulu me communiquer des chiffres sensibles : ses résultats sur les plateformes de streaming entre mars 2017 et février 2018. Soit 4,5 millions de streams pour l’ensemble des titres publiés par plusieurs dizaines d’artistes, toutes plateformes confondues. « Ça fait un gros Vald, quoi ! », s’amuse l’un des dirigeants du label, lucide devant le chemin qui lui reste à parcourir pour atteindre un niveau de streams satisfaisant. Car ce Vald dont on parle est un jeune rappeur francilien qui a réalisé, uniquement sur Spotify, 15 millions de streams avec Désaccordé, un titre de son deuxième album, Xeu, paru début février. Et les autres morceaux du disque pèsent lourd aussi : bientôt 5 millions d’écoutes pour Dragon, 4 millions pour Gris ou Primitif, etc. Chaque titre de Xeu a dépassé les 2 millions d’écoutes sur une seule plateforme. C’est-à-dire que le moindre morceau d’un rappeur à la mode représente la moitié des écoutes d’un label de rock indépendant sur une année.
En ce début 2018, un univers sépare encore aujourd’hui certains labels et certaines musiques, qui tirent pleinement profit de la mutation des usages vers l’écoute en streaming, c’est-à-dire en France les tubes internationaux, l’électronique pour pub de voitures et surtout le rap, comme je l’ai détaillé dans une précédente série d’articles.