Personne n’est naïf dans le monde de la musique, personne ne pensait donc que tout se passerait en douceur dans cette mutation en cours vers le streaming. Malgré tout, il y a quelque chose de complexe et de peu exprimé dans la relation qu’entretient tout un pan de la création musicale avec les quelques plateformes qui régissent désormais les écoutes d’auditeurs de plus en plus nombreux. C’est Alexandre Cazac, le cofondateur du label InFiné, qui a posé des mots sur ce que d’autres, lors des interviews que j’ai menées pour cette enquête, n’arrivaient pas à dire : « Depuis quelques années, les plateformes ne nous parlent qu’en demandant des “metrics”, des chiffres. Genre, montre moi tes data, tes muscles ! Mais j’ai envie de me poser en contre et, au contraire, de dire que nous sommes des humains. Que nous revendiquons le travail d’âmes qui ne sont pas des machines. »
Les metrics qu’évoque le patron d’une maison de disques qui a imposé sa vision atypique de la musique en publiant les albums du pianiste versant techno Francesco Tristano ou du précieux Réunionnais Labelle sont le pétrole de la guerre du streaming. Ce sont ces données d’écoutes qui quantifient désormais l’intérêt pour les chansons d’un artiste. Combien de vues sur YouTube ? Combien d’« amis » sur Facebook ou Instagram ? Combien de « plays » sur Deezer ou Spotify ? C’est sur ce tableau que se basent de très nombreuses décisions dans le monde dématérialisé de la musique. Tout est devenu rentabilité.
D’un côté, c’est une bonne chose.