Internet n’existe pas. Aucune théorie complotiste ou fumage de moquette derrière cette affirmation, mais juste un constat qu’il fait bon rappeler : ce qui se passe en ligne se passe en vrai, avec des vraies conséquences. Et cela vaut tout particulièrement pour la musique. Car oui, si les plateformes de streaming ont entièrement transformé nos écoutes depuis une quinzaine d’années, nos vies musicales ne s’arrêtent pas là. Elles ne sont pas entièrement contenues dans les applications de Deezer, Spotify, Apple Music, YouTube, etc. Quel que soit notre âge, nous entendons et découvrons de la musique ailleurs : sur d’autres applications qui ne sont pas dédiées à la musique, à la télévision, au cinéma, à la radio, lors de discussions avec des amis ou des inconnus, et tout cela vient à son tour trouver un écho dans nos découvertes sur les plateformes et dans les recommandations personnalisées qu’elles nous proposent en retour (lire l’épisode 8, « Les algorithmes éclatent les bulles de filtre »). C’est ce ping-pong permanent entre les sources de nos écoutes musicales que décortique un ouvrage publié en 2022 par Quentin Gilliotte, sociologue à la chaire Médias et méthodes numériques de l’université Panthéon-Assas, à Paris. En faisant attention à ne pas s’intéresser qu’aux auditeurs les plus engagés, il plonge dans les pratiques culturelles de monsieur et madame Tout-le-Monde pour révéler la patiente construction de collections musicales très personnelles qui s’organisent en ligne comme au cœur des foyers.