Un fantôme encombrant rôde entre les lignes du protocole Schwartz, l’accord péniblement signé par la filière musicale française afin de rééquilibrer un peu les revenus des artistes dans la nouvelle économie du streaming (lire l’épisode 4, « L’école du microcosme d’argent ») : celui du Centre national de la musique.
Qu’il était beau ce CNM… Rassembler une filière qui ressemble aux bastons du village d’Astérix – l’humour en moins ? Ce devait être sa mission. Casser la domination des plus gros et réorienter vers les plus petits des aides qui sont devenues des guichets automatiques ? Le CNM toujours. La transparence des contrats qui lient les artistes et leur maison de disques ? Le CNM encore. Un observatoire indépendant de l’économie de la musique pour relativiser enfin les chiffres fournis par les seules majors ? Le CNM enfin, qui devait centraliser les aides et les débats du secteur comme le CNC le fait pour le cinéma.
Mais fin 2011, le dossier est arrivé trop tard sur le bureau du ministre de l’époque, Frédéric Mitterrand, alors que la course vers la présidentielle s’amorçait déjà. Après la victoire de François Hollande en mai 2012, Aurélie Filippetti s’est installée dans le grand bureau patiné de la rue de Valois et le Centre national de la musique a été l’une des premières victimes de cette alternance. « Quand Filippetti a pris ses fonctions, elle avait deux préoccupations, se souvient un informateur qui ne peut parler qu’en off dans cette filière où tout est politique, trouver des économies et politiser les choses. Ça passait par le rejet des projets Sarkozy comme la Maison de l’histoire de France. Le CNM en a fait les frais aussi, alors qu’il n’était pas un projet politique et qu’on pouvait en faire un truc de gauche au service des artistes et des indépendants. »
Surtout, le Centre national de la musique devait fabriquer de la transparence en échange de 131 millions d’euros d’aides annuelles pérennisées. Ce n’était pas juste un organisme de soutien financier, mais aussi un organisme de régulation
, continue ma source. Guillaume Leblanc, le secrétaire général du Snep, le syndicat français des majors, le confirme indirectement : Il y avait de l’argent en jeu, ça aide à bosser ensemble.
Lorsque le rapport – resté inédit mais que Les Jours se sont procuré – a été remis fin 2011, les débats et les discussions étaient terminés.