Ça ne pouvait pas se passer facilement sur un sujet comme ça, et ça n’a pas manqué. Lors de la médiation menée par Marc Schwartz sur la musique en ligne (lire l’épisode 4, « Musique : l’école du microcosme d’argent »), qui devait remettre à plat une cascade de distorsions entre artistes, producteurs et plateformes de streaming, la question des contrats a été posée. Pas ceux qui lient Deezer ou Spotify et les labels, qui sont négociés au niveau international et sont intouchables depuis la France. Plutôt ceux qui sont signés entre les artistes et leur maison de disques. Ceux qui fâchent depuis qu’au milieu des années 2000, le numérique est venu rompre l’équilibre qui régulait tant bien que mal cette jungle (lire l’épisode 1, « Du CD au streaming, courte histoire d’une révolution »).
Le principal reproche qui est fait à ces contrats, c’est de s’être adaptés à reculons à la nouvelle ère numérique. C’est ce que regrette notamment maître Michaël Majster, avocat spécialisé qui défend les intérêts de plusieurs grands noms de la musique française (Étienne Daho, Daft Punk…) et travaille aussi pour des maisons de disques et certains acteurs du streaming. Pendant l’âge d’or du CD, disons les années 80 à 95, les contrats étaient vraiment pourris. Les taux de rémunération étaient très faibles, de l’ordre de 6 %, 7 %, avec des abattements affreux. Mais les ventes de disques étaient énormes ; les maisons de disques gagnaient beaucoup d’argent, l’argent coulait à flot… Jusqu’à la crise du disque dans les années 2000. Jusque-là, beaucoup d’artistes se sont fait flouer et c’est resté dans les mentalités.
Pause explicative. Un artiste interprète peut financer et distribuer son disque lui-même, mais il fait très souvent appel pour cela à un producteur, c’est-à-dire une maison de disques, afin de se consacrer à l’artistique. Le producteur peut alors, selon ses moyens, financer la composition, l’enregistrement, la fabrication, la distribution et la promotion des chansons. Il prête aussi parfois à l’artiste de quoi vivre – voire très bien vivre – avant que le disque ne sorte. C’est l’avance. Le producteur se rembourse ensuite sur les premières ventes et, si le disque a du succès, les bénéfices suivants sont partagés selon les clauses du contrat qui lie les deux parties. Le producteur perçoit la majeure partie de ces revenus, qui compensent les frais dont nous venons de parler – en particulier la promotion dans le monde numérique.