Les multinationales américaines comme Google ou Apple sont très souvent critiquées pour leurs montages alambiqués dans les paradis fiscaux. Leurs homologues françaises beaucoup moins. Elles ne sont pourtant pas les dernières en matière d’optimisation fiscale : au Luxembourg, quand on se promène dans les rues de la capitale et qu’on s’arrête devant les boîtes aux lettres (lire l’épisode 10, « Ma cabane fiscale au Luxembourg »), on tombe sur des holdings exotiques, mais aussi sur des noms connus de l’establishment français des affaires. C’est à eux que nous allons nous intéresser. Nous allons vous révéler l’identité de ces « honorables » entrepreneurs qui ont leur arrière-cour au Luxembourg et ne s’en vantent pas. Le premier d’entre eux ? Marc Ladreit de Lacharrière, un proche de François Hollande.
La découverte de sa présence au Luxembourg s’est faite par hasard : sur le chemin qui menait de notre hôtel à la Cité judiciaire, pendant le procès LuxLeaks (lire l’épisode 4, « LuxLeaks : le scoop à la barre »), nous sommes passés par la rue du Laboratoire. À l’intersection avec l’avenue Charles-de-Gaulle, au numéro 9, un panneau (et non une simple boîte aux lettres !) rempli de noms de sociétés nous a fait nous approcher. Sous « World Minerals International Sales » et au-dessus de « Cofima Group SA » était inscrit « Fimalac Développement SA ». « Fimalac » pour « Financière Marc de Lacharrière » ? Exactement.

Intéressons-nous donc à l’homme, avant de nous pencher sur sa société luxembourgeoise. Âgé de 76 ans, Marc Ladreit de Lacharrière est un personnage éminent du monde des affaires français depuis le début des années 1990. Quand cet ancien cadre dirigeant de L’Oréal s’est mis à son compte en se lançant dans le rachat de participations et de sociétés, et dans leur revente quelques années plus tard, avec plus-value à la clé. Devenu milliardaire (trente-cinquième fortune française, selon Challenges), il a été propriétaire de l’agence de notation Fitch (dont il détient encore aujourd’hui 20 %), il possède Webedia (qui édite les sites Allociné ou Puremédias) et 40 % des casinos Barrière. Homme de réseaux – issu d’une vieille famille noble, il est membre du Jockey-Club et du Cercle de l’union interalliée –, il cultive son image auprès de ses pairs en investissant dans la culture : il est mécène du Louvre, a racheté la salle Pleyel et possède des théâtres parisiens.