Luxembourg, envoyé spécial
La pression internationale conjuguée des médias, des ONG et des politiques dénonçant un procès scandaleux de lanceurs d’alerte aurait-elle été entendue au Grand-Duché ? Ce lundi, lors de l’ouverture du procès en appel des trois « LuxLeaks » – Antoine Deltour, Raphaël Halet et Édouard Perrin –, la justice luxembourgeoise a baissé d’un ton. Plus question de s’attaquer, comme lors du premier procès au printemps dernier, à ces « Français voleurs » – l’ex-auditeur et l’ex-archiviste de PricewaterhouseCoopers (PwC) – qui ont dérobé à leur employeur des documents confidentiels, puis les ont transmis au « journaliste français complice », Édouard Perrin, qui les avait utilisés pour deux émissions de Cash Investigation (lire l’épisode 4, « LuxLeaks : le scoop à la barre »). Non, l’enjeu est maintenant de savoir s’il existe dans le droit européen de quoi exonérer de peine les lanceurs d’alerte ayant œuvré pour l’intérêt général que sont Deltour et Halet. Quant à Perrin, le procès devrait se dérouler sans heurts : le procureur a déjà déclaré qu’il ne requerrait aucune peine à son encontre.
Avant même le procès en appel, le premier avocat général, John Petry, a en fait rédigé une sorte de « préréquisitoire », une note d’une centaine de pages, qu’il a transmise à toutes les parties. Une pratique totalement inhabituelle. À l’intérieur, le magistrat indique qu’il compte demander six mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende à l’encontre de Deltour, une simple amende – non quantifiée – pour Halet et, donc, l’acquittement pur et simple de Perrin. Soit beaucoup moins que les réquisitions ainsi que les condamnations de première instance : en juillet, le premier avait écopé de douze mois de prison avec sursis, le deuxième de neuf mois, tous deux pour avoir violé le secret des affaires et commis un vol, le troisième avait déjà été relaxé. À première vue, cette nouvelle attitude de l’accusation est de bon augure pour les prévenus. « Le climat est beaucoup plus cordial et tranquille, confirme William Bourdon, l’avocat de Deltour. Le parquet général a recentré le débat techniquement et juridiquement. Et cela a été fait de manière plus rigoureuse qu’en première instance. Cela nous va très bien. »

Cependant, l’objectif reste toujours de condamner les accusés. Derrière la subtilité de l’avocat général se cache aussi une attitude retorse : il ne faudrait pas risquer de se faire déjuger par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).