Luxembourg, envoyé spécial
Un lanceur d’alerte qui n’assume pas totalement ses actes, un journaliste d’investigation qui raconte ses relations avec ses sources : voilà le spectacle gênant auquel on a assisté ce mardi matin, au tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Antoine Deltour, ex-salarié de PricewaterhouseCoopers, et Édouard Perrin, journaliste à Premières lignes, étaient appelés à témoigner pour la deuxième semaine du procès LuxLeaks. Et, sous la menace d’une peine de prison ou d’une grosse amende, les deux hommes à l’origine de la révélation d’un des plus grands scandales d’évasion fiscale en ont été réduits à développer une défense acrobatique, louvoyant entre d’un côté, le fait d’assumer totalement leurs actes et de l’autre, l’espoir de s’en sortir avec la plus petite condamnation possible.
L’accomplissement dans la vie ne passe pas nécessairement par l’activité professionnelle.
Ce mardi matin, c’est Antoine Deltour qui commence. Il raconte ce qu’il a déjà dit aux journalistes (lire l’épisode 3, « Alerte au paradis ») qui l’ont interrogé : son travail à PwC d’abord satisfaisant puis épuisant, sa découverte des rulings (qu’il réprouve) et le sentiment qu’il sera socialement plus utile ailleurs. Il décide de démissionner en octobre 2010 et d’aller tenter les concours de la fonction publique en France. L’ex-auditeur se présente comme un homme particulièrement désintéressé et peu dépensier. Gagnant 2 600 euros par mois à PwC, une somme largement supérieure
à ses besoins, et alors qu’il vient d’être nommé auditeur senior, il préfère tout quitter pour chercher un emploi où le temps partiel est autorisé. Objectif atteint, puisqu’il est aujourd’hui employé à l’Insee à Nancy à 80 %, et gagne 1 500 euros par mois. Ce trait de personnalité surprend au Luxembourg. Le procureur enchaîne les questions sur le sujet : Pourquoi avez-vous démissionné alors que vous aviez été promu ?
Pourquoi n’allez-vous pas postulé auprès d’un autre “Big Four” ?
Mais Deltour assume sa philosophie : L’accomplissement dans la vie ne passe pas nécessairement par l’activité professionnelle
, dit-il.
L’audience permet d’en savoir aussi un peu plus sur les convictions politiques de l’ancien auditeur. Le deuxième jour d’audience, le policier en charge de l’enquête avait estimé que Deltour était anticapitaliste
, notamment car il était abonné à Mediapart, un journal dirigé par un personnage qui a publié des articles qui condamnent la place financière
luxembourgeoise. Précision de l’intéressé : il n’est pas abonné au site d’information, mais reçoit les alertes
. Et surtout, il n’est pas